Avec le lancement de l’initiative « HPC Quantum Hybrid », la France veut disposer le plus rapidement d’une plateforme nationale de calcul quantique, dotée de vrais hardwares quantiques combinés à des HPC du CEA, qui servira une filière quantique souveraine.
C’est par visio que Florence Parly, ministre des Armées, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques ont rejoint les responsables du Très Grand Centre de Calcul du Commissariat à l’Energie Atomique pour célébrer le lancement d’une « nouvelle plateforme nationale de calcul quantique hybride ».
Et si la ministre des armées était présente, c’est bel et bien parce que cette plateforme nationale est installée dans un site militaire au sein du plateau de Saclay. Toutefois, Florence Parly affirme que celle-ci est d’abord « un laboratoire au profit de notre pays tout entier ». D’ailleurs, la Loi de Programmation Militaire ne prévoit que « 50 millions d’euros » aux développements quantiques d’ici 2025. La plateforme sera essentiellement financée par le Plan Quantique et servira à toute la recherche et l’écosystème quantique. Néanmoins le défi militaire existe, ce qui explique ce rattachement aux armées. Il est principalement centré sur le potentiel du quantique pour « casser » les clés de chiffrement aujourd’hui utilisées pour protéger les communications, les transferts de données et le stockage des données critiques. L’idée est autant d’explorer les pistes quantiques pour casser les protections actuelles que d’élaborer de nouvelles méthodologies adaptées à l’ère quantique et indéchiffrables par les machines quantiques. Autre axe de recherche, notamment mené en collaboration avec la startup Syrlinks et l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche), le développement de capteurs quantiques à même d’alimenter des systèmes de navigation haute précision sans les limites actuelles du GPS ou encore à même de révolutionner la détection des systèmes d’armement et le guidage des missiles. Bien évidemment, la puissance de calcul quantique a également ses applications en matière de simulation d’armes nucléaires. « La supériorité opérationnelle de nos armées, autrement dit notre capacité à conserver l’avantage sur le terrain, dépend étroitement de notre souveraineté technologique » a rappelé Florence Parly. « Le quantique est un virage à prendre » et que la France ne compte pas louper.
La création de cette plateforme nationale avait été annoncée il y a un an, lorsque le gouvernement français avait dévoilé son Plan Quantique et son financement de 1,8 milliard d’euros. Le plan prévoyait ainsi le développement d’un ordinateur quantique hybride de plus de 100 qubits dès 2023 hébergé au TGCC du CEA. L’annonce d’aujourd’hui marque les premiers pas pour constituer cette plateforme.
Pour l’instant, cette dernière est bien davantage une initiative. Elle reste à bâtir. Elle prône une approche hybride mêlant HPC classique et accélérateur quantique.
À terme elle hébergera donc de vrais ordinateurs quantiques qui seront mis à disposition d’une communauté de chercheurs et spécialistes. L’objectif est évidemment qu’ils s’approprient la technologie du calcul quantique et développent de nouveaux algorithmes exploitant le potentiel de cette technologie toujours naissante.
Deux à trois appels d’offres seront lancés dès cette année pour l’acquisition de deux à trois hardwares quantiques qui seront intégrés à la plateforme.
D’autres appels d’offres seront lancés dans les 3 prochaines années.
En attendant, il semble que l’initiative veuille exploiter le potentiel de simulateurs quantiques exécutés sur les HPC du plateau de Saclay.
Ce qui semble acquis, c’est que l’aspect « hybride » de cette plateforme ne se limite pas à combiner HPC classique et accélérateur quantique. Il s’étend aussi à la variété des technologies quantiques qui seront embarquées. « On ignore encore quelles sont les technologies quantiques qui s’imposeront in fine et elles dépendront probablement des cas d’usage » a rappelé Cédric O. « Un certain nombre de technologies sont en compétition et différents acteurs font des choix différents. Dans un monde d’aujourd’hui sans technologie de référence, il importe de pouvoir hybrider ces technologies et c’est le choix fait par la plateforme ».
« Cette plateforme de calcul doit aussi être une plateforme pour l’écosystème français et européen » ajoute Cédric O. « Nous appelons l’ensemble des startups françaises et européennes du quantique à s’inscrire dans la dynamique de cette initiative et à en tirer parti. Nous voulons que cette plateforme devienne un levier de développement de cas d’usages, de développement technologique et de développement économique ». En ligne de mire de cet appel notamment, les trois pépites que sont Alice & Bob, Pasqal et Quandela. « Cette plateforme doit servir au développement de ces startups de façon assez systématique ».
Alors qu’IBM vient de présenter sa première machine à plus de 100 Qubits, que les startups américaines IONQ et Rigetti opèrent leur introduction en bourse via un mécanisme de fusion SPAC, et que les services QaaS d’IBM, d’AWS (Amazon Braket) et d’Azure (Azure Quantum) attirent de plus en plus l’attention des entreprises, le lancement de cette plateforme de calcul arrive à point nommé pour éviter à la France de prendre plus de retard et permettre à ses chercheurs et à ses startups de continuer d’innover et d’avancer avec une approche désormais plus pratique et structurée.
Pour en savoir plus : Hybrid HPC Quantum Initiative