L’indice technologique 2024 (Tech Index) de DLA Piper révèle une surprenante confiance du secteur tech mondial, y compris dans les entreprises européennes, malgré un contexte économique et géopolitique très incertain.
Publié tous les deux ans, l’indice de confiance de la Tech de DLA Piper s’internationalise en 2024. Celui-ci cherche à analyser et mesurer les perspectives et tendances du secteur technologique. Une internationalisation qui lui permet d’atteindre un niveau historique de 71 points, dépassant le précédent record de 68. Cette tendance positive se manifeste particulièrement en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Afrique, tandis que le Moyen-Orient, l’Europe et l’Asie-Pacifique affichent un optimisme plus modéré mais tangible de 68 points.
Les perspectives de croissance s’avèrent en effet encourageantes : deux tiers des entreprises interrogées anticipent une augmentation de leur chiffre d’affaires sur les 12 prochains mois, dont plus d’un tiers table sur une progression supérieure à 6%.
L’IA au cœur de cette dynamique
L’intelligence artificielle émerge comme le moteur principal de cette dynamique optimiste, avec 63% des répondants qui l’identifient comme leur priorité stratégique. L’Europe se distingue particulièrement sur ce point, 72% des organisations européennes plaçant l’IA au cœur de leur développement. Une IA jugée essentiellement par les européens d’abord comme un levier d’efficacité et productivité, un moyen de gagner en flexibilité et un outil d’aide à la prise de décisions plus éclairées.
Mais une IA qui inquiète sur ses coûts de mise en œuvre et qui interroge surtout les européens sur ses impacts sur l’emploi, sur son ROI, sur les défis de conformité alors que les autres régions d’y mondent y voit davantage des défis de sécurité et de confidentialité, des défis éthiques ou des résistances au changement.
Une cybersécurité à l’agenda mais pleine de paradoxes
Autre sujet phare, la cybersécurité tient une place privilégiée aussi bien dans le rapport que dans l’agenda des entreprises. Le rapport DLA Piper 2024 révèle un paradoxe dans l’approche des entreprises face aux cybermenaces. Alors qu’une majorité des organisations affiche une confiance marquée dans leurs dispositifs de protection, l’analyse approfondie dévoile des fragilités structurelles préoccupantes et révèle qu’en pratique beaucoup n’ont pas encore mis en place des mesures clés, telles que des évaluations régulières des risques ou des stratégies robustes de gestion des incidents.
Cette dichotomie se manifeste particulièrement dans le décalage entre perception et réalité opérationnelle. Si 79% des entreprises ont désigné un responsable dédié aux incidents cyber, seules 75% disposent effectivement d’un plan d’action formalisé. Cette situation traduit un optimisme potentiellement excessif face à des menaces en constante sophistication.
Pour les rapporteurs, l’évolution du cadre réglementaire, notamment avec l’introduction de directives comme NIS2 en Europe et CIRCIA aux États-Unis, pousse néanmoins les organisations vers une approche plus structurée. La cybersécurité s’intègre progressivement aux stratégies de transformation numérique, dépassant son statut initial de simple centre de coût pour devenir un véritable investissement stratégique. Cette mutation s’accompagne d’une prise de conscience croissante : la conformité réglementaire, au-delà des contraintes qu’elle impose, constitue un catalyseur d’innovation et de résilience organisationnelle. 75% des participants considèrent l’environnement réglementaire actuel comme favorable à la croissance. Toutefois, l’écart persistant entre la confiance affichée et le niveau réel de préparation des entreprises souligne l’urgence d’un renforcement substantiel des dispositifs de protection.
Le climat géopolitique : une préoccupation majeure chez les européens
Le rapport souligne également une évolution notable dans l’approche des défis technologiques. Les entreprises, ayant traversé diverses perturbations récentes, adoptent désormais des stratégies plus résilientes et mesurées. Cette maturité se traduit par des investissements plus disciplinés et une évaluation approfondie des nouvelles technologies.
Toutefois, les tensions géopolitiques tempèrent cet optimisme général. « L’environnement géopolitique de plus en plus volatil dans lequel évoluent les entreprises est le seul facteur majeur négatif qui émerge. La guerre qui perdure en Ukraine, le conflit à Gaza et les tensions croissantes entre la Chine et Taïwan ont manifestement un impact sur les perspectives de croissance et restreignent l’activité sur des marchés clés » estiment les rapporteurs. D’ailleurs, dans ce domaine, l’indice de confiance des dirigeants chute à 53 points (cet indice n’étant pas pris en compte dans l’indice global) !
L’instabilité internationale actuelle génère un climat d’incertitude qui impacte directement les stratégies d’investissement. Cette situation affecte particulièrement les régions d’Europe centrale et orientale, où la proximité géographique avec les zones de conflit dissuade les investisseurs potentiels. D’autant que « notamment en Europe, les préoccupations se cristallisent aussi autour des évolutions politiques nationales, particulièrement concernant la montée des mouvements populistes prônant des politiques économiques hautement protectionnistes et des programmes socialement clivants » ajoutent les rapporteurs.
Et ces derniers de conclure, « il est donc surprenant que notre dernière enquête révèle un secteur technologique dans un tel état d’euphorie, avec un score technologique global record de 71 points, soit trois points de plus qu’en 2022, qui représentait déjà le score le plus élevé jamais enregistré dans nos enquêtes. Comment expliquer un tel optimisme dans des temps aussi incertains ? Nous pensons que cela reflète la résilience que les entreprises ont dû démontrer après avoir traversé des dernières années très perturbantes. Elles ont fait face au choc de la pandémie et à la brusque correction économique qui a suivi, incluant la flambée des prix de l’énergie, les perturbations des chaînes d’approvisionnement, la nécessité de se restructurer et les conflits. C’est comme si elles avaient adopté un nouvel état d’esprit : prêtes à considérer l’incertitude comme la nouvelle norme, mieux équipées pour naviguer à travers des défis imprévisibles et toujours désireuses de rechercher de nouvelles opportunités de croissance ».