La 5G veut être la technologie de choix dans la voiture connectée, mais des rivaux arrivent. Le DSRC, « Twitter de la circulation routière », reçoit un coup de pouce d’Obama lors de son départ.

L’automobile autonome sera-t-elle « The Next Big Thing ? Un peu tôt pour l’affirmer mais les visiteurs du CES 2017 qui s’est tenu la semaine dernière à Las Vegas ont pu se rendre compte de l’intérêt grandissant de l’automobile en mutation. Elle est désormais électrique, connectée, sans conducteur, autonome… Dans une grande partie de l’exposition, on se serait cru au salon de l’automobile… L’essentiel des commentaires à destination du grand public concerne les conséquences individuelles et collectives de la conduite assistée, l’impact sur la redéfinition de la voiture, la sécurité automobile ou « l’uberisation » possible du secteur des transports automobiles.

Pourtant, le secteur des télécommunications, un secteur clé de cette nouvelle tendance, restait un peu en retrait des grands titres liés à l’automobile. La 4G qui se déploie lentement aux Etats Unis et dans le monde présente quelques lacunes ou insuffisances pour prétendre être le vecteur privilégié de connexion dans la voiture autonome. Des technologies alternatives se sont développées sous l’appellation ITS (Intelligent Transportation Systems) depuis plusieurs années et celles-ci commencent à faire parler d’elles, alors que les opérateurs téléphoniques élaborent des stratégies de mise en place de nouvelles infrastructures pour permettre des communications sans fil à très haut débit autour de la 5G dans le monde. Les grands enjeux, au-delà des performances des réseaux, tournent essentiellement autour de l’accès au spectre des fréquences et aux interopérabilités (ou les interférences) entres les systèmes, permettant aux opérateurs et/ou à l’industrie automobile de développer et de contrôler de nouveaux services autour de l’automobile.

Pour son départ, le président Obama vient de donner un coup de pouce à l’une d’entre elle appelée DSRC (Dedicated short Range communications) connue depuis 2004. Le 13 décembre dernier, il annonçait publiquement supporter une note du DOT (Department of Transportation) demandant de généraliser l’installation de dispositifs de communication Vehicle-to-Vehicle (V2V) dans toutes les automobiles, et le département NHTSA (National Highway Transportation Security Administration)précisait qu’il allait publier un guide à destination de toute l’industrie du transport pour permettre les communications directes entre les infrastructures de transports (feux de circulation, panneaux de signalisation routière fixes ou mobiles, etc…) et le vehicle-to-Infrastructure (V2I).

Le NHTSA estime que 80% des accidents aux Etats Unis pourraient être évités ou en permettant aux véhicules de communiquer entre eux et avec leur environnement immédiat. Le DSRC a été prévu et développé pour les applications liées au V2V et V2I. C’est une technologie de communication à courte distance et à latence très basse, capable de diffuser de l’information entre 2 véhicules, à grande vitesse et en temps réel (les données échangées sont rafraichies plus de 10 fois par seconde), performances que le réseau mobile actuel ne peut pas atteindre. Un véhicule équipé d’un système V2V-V2I peut ainsi automatiquement évaluer les risques en parlant avec les véhicules autour de lui et la signalisation routière et éventuellement déclencher les alertes ou gérer la conduite de façon à empêcher ou réduire les conséquences d’une collision.

Les caractéristiques et conditions définitions du DSRC avaient été précisées dans la décision FCC 03-324 de la FCC publiée en 2004 (la FCC américaine est l’équivalent de l’Arcep en France). La FCC lui a donc réservé une bande de fréquence de 75Mhz dans les fréquences 5 ,9 Ghz et proposait un certains nombres de principes pour l’établissement d’un standard DSRC spécifique, des conditions de sécurité et déterminait les interopérabilités avec les réseaux mobiles existants. Plusieurs technologies et standards utilisant cette bande de fréquence ont ensuite vu le jour. En 2008, la commission Européenne, de son côté, lui attribue une bande de 30 Mhz dans la fréquence 5,8 GH et l’ARIB l’adopte au Japon sur les fréquences 700Mhz. En 2010, l’IEEE a publié le standard DSRC 801.11p encore appelé WAVE (Wireless Access Vehicular Environment) et plusieurs fabricants ont mis des chipsets sur le marché, facilitant le déploiement de certaines applications un peu partout dans le monde.

En 2015, l’UIT (Union Internationale des Télécoms) publiait un récapitulatif de tous les standards V2V et V2I mis en oeuvre dans le monde répondant aux systèmes spécifiés par l’IEEE, l’ETSI, l’ARIB et la TTA (Corée). Par exemple, NXP qui était présent au CES a développé avec Cohda Wireless une plateforme appelée RoadLink, basé sur des boitiers utilisant le DSRC et le WiFi permettant de créer des applications V2V et V2I. On notera que NXP vient d’être racheté par Qualcomm, le premier fabricant de puces pour la téléphonie mobile.

Mais le déploiement du LTE et les premières discussions autour de la définition de la 5G ont poussé des opérateurs télécom, les régulateurs, les fabricants et le 3GPP à faire des incursions assez profondes dans le monde de l’automobile de même que la 5G s’intéresse de très près au monde des IoT. Dejà la bataille fait rage dans le monde des IoT où les évolutions de la 5G entrent en concurrence avec des standards plus ou moins établis comme NB-IoT, Lora et des systèmes propriétaires comme Sigfox pour tenter de faire communiquer des milliards d’objets entre eux. Certains partisans du 5G, dont le GSMA et des membres de la commission européenne pensent que ce nouveau standard en gestation qui comporte des caractéristiques de latence très réduite à coté d’une bande passante très élevée pour gérer d’énormes flux de données, détient tous les atouts qui répondent parfaitement aux besoins de base du V2V et V2I et des ADAS (Advanced Driver Assistance Systems).

Les spécifications du 5G mentionnent explicitement les véhicules autonomes parmi leurs préoccupations et un document du la 5G réalisé en 2016 par la Communauté Européenne intègre les ITS dans le champ d’application de la 5G. Les opérateurs voient aussi avec beaucoup d’intérêt les possibilités d’offrir aux usagers du V2V et V2I des nouveaux services qui utiliseraient certaines de leurs infrastructures, par exemple la « video on demand » ou des relais avec la maison connectée.

Tout ceci vient en phase avec une redéfinition complète de la vision du dernier kilomètre aux Etats Unis, telle que la conçoit Verizon dans les premiers essais de ses systèmes 5G. Pour l’opérateur Américain, il ne serait plus nécessaire de faire appel à de la fibre (imposant de très lourd investissements) pour apporter aux maisons un accès très haut débit, mais simplement de s’appuyer sur des installations de « Fixed Wireless » à très haut débit sur lesquelles est basé la 5G. D’autres pensent que les systèmes de V2V et V2I sont trop complexes, notamment du point de vue de la sécurité, et estiment que DSRC doit être dédié a cette seule tâche, indépendamment du reste.

En faisant le choix de pousser le DSRC, le gouvernement Américain a donc fait pencher la balance vers une séparation entre les structures de la 5G et les structures des ITS.