Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, a annoncé cette semaine un nouveau plan français soutenu par un investissement de 1,8 milliard d’euros pour soutenir la filière Cloud française.

Le gouvernement a donc présenté cette semaine le volet industriel de sa stratégie nationale pour le cloud. « L’ambition est de faire émerger en France et en Europe des champions mondiaux du cloud et de l’edge computing » explique Cédric O. « La convergence du cloud et de l’edge computing sera au centre des innovations de la prochaine décennie, avec notamment l’industrie 4.0, les réseaux décentralisés ou les véhicules autonomes. »

Pour Cedric O, « la bataille du cloud n’est pas perdue » pour les acteurs français et européens. Certes, mais elle est très loin d’être gagnée. AWS, Google et Microsoft représentent à eux trois 70% du marché cloud européen. Et les grands acteurs américains investissent aujourd’hui des fortunes pour que les initiatives souveraines n’impactent pas leur suprématie : « La bataille va être difficile, les trois grands fournisseurs américains de cloud ont misé plus de 14 milliards d’euros dans les investissements européens au cours des quatre derniers trimestres » explique Jean-Paul Alibert, Président de T-Systems France. T-Systems est avec OVHcloud l’un des deux leaders européens du cloud avec des parts de marché de 2%.
Outre les fortunes investies, les acteurs américains manœuvrent également avec beaucoup de stratégie. Microsoft d’un côté avec Orange et Capgemini mais aussi Google avec Thalès jouent la carte de l’alliance avec des acteurs locaux pour se conformer aux exigences françaises et segmenter par la même occasion le marché européen afin de conserver leur puissance.

Face aux capitaux américains, le gouvernement français va donc annoncer un investissement de 1,8 milliard d’euros pour soutenir la filière cloud française : 667 millions d’euros financés par l’État, 444 millions d’euros de financements européens et 680 millions d’euros de financements privés. Objectif, « faire émerger des champions européens et français de l’innovation ».

La répartition de ce financement massif est déjà connue dans ses grandes lignes. 921 millions d’euros serviront à accélérer le développement des services cloud à haute valeur ajoutée tels que l’Edge, l’IA et le collaboratif et 660 millions iront à la création d’espaces de données mutualisés.

Cédric O promet que « 85% du financement visera les PME, les startups, les instituts de recherche, l’open source et des projets de relocalisation ». Avant d’ajouter « 23 projets de recherche et développement ont déjà été sélectionnés par l’État, pour un financement public de plus de 421 millions d’euros. »*

Ces 23 projets portent notamment sur :
– une nouvelle plateforme de edge computing pour l’internet des objets industriels (CEA,  IMT, INRIA, System-X, Schneider Electric, Atos, Valeo, Véolia, Agileo, Dupliprint, MyDataModels, Nexeya, Prosyst, M&L, Solem, Tridimeo, Soben) ;
– des jumeaux numériques pour la smart city (Gandi, Easy Global Market, Green Communications, Issy Media, New Generation SR, SmartB et Télécom Sud Paris) ;
– une solution d’optimisation des ressources énergétiques dans un réseau edge-cloud (Platform.sh) ;
– une nouvelle plateforme cloud pour les acteurs de la recherche publique, avec des fonctionnalités avancées d’IA et de calcul haute performance (Genci, OVHcloud, Atos, ActiveEon, CNRS, HUBBLO, INRIA, CS Group, Qarnot Computing) ;
un nouveau catalogue de solutions PaaS et SaaS sur une infrastructure SecNumCloud (Outscale, AUCAE,  Jamespot, NAOR Innov, Rohde&Scharwz, Smart Global Governance, Stormshield, TRUSTHQ).

Le gouvernement indique également que concernant le très polémique segment des offres de travail collaboratives (SaaS), un nouvel appel à manifestation d’intérêts sera ouvert avant la fin 2021.

Cette bonne volonté affichée semble encore insuffisante à rassurer les multiples fournisseurs clouds français. Juste avant que Cedric O ne s’exprime, Yann Lechelle, DG du fournisseur cloud français Scaleway expliquait que « sans savoir ce que contient la nouvelle stratégie industrielle (au matin de l’annonce), il me paraît évident que si cette stratégie n’est pas une doctrine qui consiste à encourager avant toute chose l’usage d’un cloud dont le logiciel est de manière prédominante européen, alors je doute d’une sincère volonté de la part de nos politiques pour l’émergence d’une industrie du cloud européen. »

De son côté, Michel Paulin directeur général d’OVHCloud a appelé l’Etat à passer plus de commandes publiques : « on a besoin de commandes, je répète de commandes »  a t’il lancé lors de son intervention tout en invitant l’Etat Français à servir d’exemple aux entreprises et organisations françaises et européennes.

Le gouvernement refuse cependant d’adopter une politique ouvertement protectionniste. Cedric O a ainsi rappelé que « la réussite récente de la French Tech n’aurait pas eu lieu avec une politique autarcique. Toutes les solutions protectionnistes sont légalement et technologiques hémiplégiques ».