On parlait de 17 milliards d’euros, ce sera 13 milliards que la firme à la Pomme devra payer. La Commission a conclu que l’Irlande avait accordé à Apple des avantages fiscaux indus.
La Commission européenne a conclu que l’Irlande avait accordé à Apple des avantages fiscaux indus pour un montant de 13 milliards d’euros. Cette pratique est illégale au regard des règles de l’UE en matière d’aides d’État, car elle a permis à Apple de payer nettement moins d’impôts que les autres sociétés. L’Irlande doit à présent récupérer les aides illégales.
Ce montant, 40 fois plus important que les sommes réclamées jusqu’à présent par la CE dans des cas similaires, pourrait être revu en baisse, si d’autres pays s’engageaient dans une voie similaire de récupérer des arriérés. La bourse n’a pas été très impressionné en sanctionnant faiblement l’action de moins de 2 %. Apple a évidemment indiqué qu’elle ferait appel de cette décision.
La Commission européenne a conclu que deux rulings fiscaux émis par l’Irlande en faveur d’Apple avaient artificiellement réduit le montant de l’impôt payé par l’entreprise en Irlande depuis 1991. Les rulings avalisaient une méthode de calcul des bénéfices imposables pour deux sociétés de droit irlandais appartenant au groupe Apple (Apple Sales International et Apple Operations Europe) qui ne correspondait pas à la réalité économique : pratiquement tous les bénéfices de vente enregistrés par les deux sociétés étaient affectés en interne à un « siège ».
Le traitement fiscal sélectif réservé à Apple en Irlande est illégal au regard des règles de l’UE en matière d’aides d’État, car il confère à l’entreprise un avantage significatif par rapport aux autres sociétés qui sont soumises aux mêmes règles nationales d’imposition. La Commission peut ordonner qu’une aide d’État perçue illégalement soit récupérée sur une période de dix ans précédant la première demande de renseignements, 2013 en l’occurrence. L’Irlande doit maintenant récupérer les impôts impayés par Apple sur son territoire entre 2003 et 2014, à savoir 13 milliards d’euros, plus les intérêts.
Le meccano de la générale
Comment fonctionnait Apple d’un point de vue fiscal ? Apple Sales International et Apple Operations Europe sont deux sociétés de droit irlandais détenues à 100 % par le groupe Apple, lui-même contrôlé en dernier ressort par la société américaine Apple Inc. Elles détiennent les droits d’utilisation de la propriété intellectuelle d’Apple pour vendre et fabriquer des produits Apple en dehors de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud dans le cadre d’un « accord de partage des coûts » avec Apple Inc. Ce dernier prévoit qu’Apple Sales International et Apple Operations Europe effectuent des paiements annuels à Apple aux États-Unis afin de financer les actions de recherche et développement menées au nom des sociétés irlandaises aux États-Unis.
Ces paiements se sont élevés à environ 2 milliards d’USD en 2011 et ont sensiblement augmenté en 2014. Ces dépenses, principalement supportées par Apple Sales International, ont contribué au financement de plus de la moitié de l’ensemble des efforts de recherche déployés par le groupe Apple aux États-Unis pour développer sa propriété intellectuelle à travers le monde. Elles sont déduites des bénéfices enregistrés par Apple Sales International et Apple Operations Europe en Irlande chaque année, conformément aux règles applicables.
Apple Sales International
Apple Sales International est chargée d’acheter des produits Apple à des fabricants d’équipements du monde entier et de les vendre en Europe (ainsi qu’au Moyen-Orient, en Afrique et en Inde). Apple a organisé ses activités de vente en Europe de telle manière que les clients achetaient contractuellement les produits à Apple Sales International en Irlande plutôt qu’aux magasins qui leur vendaient physiquement les produits. De ce fait, Apple enregistrait toutes les ventes, et les bénéfices qui en découlaient, directement en Irlande.
Les deux rulings fiscaux émis par l’Irlande concernaient la répartition interne de ces bénéfices au sein d’Apple Sales International (plutôt que l’organisation plus large des activités de vente d’Apple en Europe). Plus précisément, ils avalisaient une répartition des bénéfices à des fins fiscales en Irlande. En effet, selon la méthode convenue, la plupart des bénéfices étaient affectés en interne à un «siège» d’Apple Sales International situé en dehors de l’Irlande. Ce «siège» n’était situé dans aucun pays, n’employait aucun salarié et ne possédait pas de locaux. Ses activités se limitaient à des réunions occasionnelles du conseil d’administration. Seule une fraction des bénéfices d’Apple Sales International étaient affectés à sa branche irlandaise et soumis à l’impôt en Irlande. La grande majorité restante des bénéfices étaient affectés au «siège», où ils échappaient à l’impôt.
En conséquence, seul un faible pourcentage des bénéfices d’Apple Sales International étaient imposés en Irlande, le reste n’étant imposé nulle part. En 2011, par exemple (selon les chiffres communiqués lors d’auditions au Sénat américain), Apple Sales International a enregistré des bénéfices de 22 milliards d’USD (environ 16 milliards d’euros[1]) mais aux termes du ruling fiscal, seuls 50 millions d’euros environ ont été considérés comme imposables en Irlande, 15,95 milliards d’euros de bénéfice éludant ainsi l’impôt. En conséquence, Apple Sales International a payé moins de 10 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés en Irlande en 2011, ce qui représente un taux d’imposition effectif d’environ 0,05 % de ses bénéfices annuels totaux. Au cours des années suivantes, les bénéfices enregistrés par Apple Sales International ont continué d’augmenter, mais pas les bénéfices considérés comme imposables en Irlande aux termes du ruling fiscal. Ce taux d’imposition effectif a donc encore diminué pour atteindre seulement 0,005 % en 2014.
Apple Operations Europe
Sur la base des deux mêmes rulings fiscaux de 1991 et de 2007, Apple Operations Europe a bénéficié d’un régime fiscal similaire au cours de la même période. La société était chargée de la fabrication de certaines gammes d’ordinateurs pour le groupe Apple. La majorité des bénéfices de cette société étaient également affectés en interne à son « siège » et n’étaient imposés nulle part.