Dans le cadre de son programme de recherche SyNAPSE lancé en 2008, IBM dévoile le premier processeur dit neurosynaptique qui regroupe 1 million de neurones et 256 millions de synapses.
L’année dernière à la même époque, IBM présentait un nouveau modèle de programmation pour des puces conçues selon une architecture s’inspirant de celle du cerveau : fonctions, faible consommation d’énergie, volume compact (IBM veut rapprocher l’informatique du cerveau humain). Toujours dans le cadre de son même programme de recherche SyNAPSE (Systems of Neuromorphic Adaptive Plastic Scalable Electronics), IBM dévoile cette fois le premier microprocesseur neurosynaptique qui rompt avec le modèle informatique de Von Neuman et s’inscrivant dans celui des modèles cognitifs qui s’inspirent du fonctionnement du cerveau.
Fabriqué par Samsung en technologie CMOS traditionnelle à 28 nm, le nouveau microprocesseur (IBM avait présenté un prototype en 2011) regroupe 1 millions de neurones et 256 millions de Synapse et crédité d’une performance de 46 milliards d’opérations synaptique par seconde et par watt. A titre de comparaison, le cerveau possède environ 100 milliards de neurones. On n’est donc pas si loin de pouvoir fabriquer des systèmes pouvant rivaliser avec le cerveau humain. Le plus remarquable de cette puce est sa très faible consommation électrique, environ 70 mW (20 mW/cm²) soit environ 10 000 fois moins qu’un processeur traditionnel. Avec quelques 5,4 milliards de transistors, c’est l’un des processeurs les plus denses jamais fabriqué. Il est conçu selon une architecture dite réseau de mesh[1] à deux niveaux de 4096 cœurs neurosynaptiques distribués dont chaque module possède sa propre mémoire, unité de traitement, et module de communication et fonctionne en mode orienté évènement, parallèle et tolérance de pannées. Ce processeur bénéficie d’un modèle de programmation développé spécifiquement pour lui incluant toutes les étapes allant de la conception au déploiement, en passant par le développement et le déploiement. IBM a également mis en place un programme de formation en interne et pour les organisations partenaires d’IBM sur ce projet. Ce programme de recherche a été réalisé en partenariat avec l’Université de Cornell et a bénéficié de financement de la DARPA (The Defense Advanced Research Projects Agency) pour un montant de 53 millions de dollars.
Les ordinateurs qui seront construits à partir de ces processeurs seront particulièrement adapté à traiter des problèmes temps réel impliquant de très grands volumes de données et très sensibles au contexte. Par exemple, toutes les applications qui vont être développées dans le cadre de l’Internet des objets. L’analyse de vidéo constitue un autre exemple. Le magazine MIT Technology qui a eu accès à des démonstrations dans le laboratoire d’Almaden en Californie rapporte qu’une application de reconnaissance visuelle sur une vidéo démontrait qu’un système basé sur une telle puce était 100 fois plus rapide qu’un système conventionnelle tout en consommant 100 000 fois moins d’électricité.
IBM présente ce programme de recherche comme devant révolutionner l’informatique et ouvrir des perspectives inconnues jusqu’ici. Des processeurs comparables à architecture neuronale ont été développés depuis les années 80, mais celui d’IBM est toutefois le plus abouti et le plus complexe. IBM reste formidable institution recherche mais a le chic pour donner une dimension historique à ses travaux. Le problème pour Big Blue est de transformer ces travaux de recherche en systèmes et solutions commerciales et à les vendre. Le danger est de ne pas tomber dans le syndrome du fameux PARC de Xerox qui a été à l’origine de nombreuses innovations à l’origine de l’informatique personnelle mais n’a pu en bénéficier d’aucune manière.
Dans ce contexte, SyNAPSE fait penser au programme Watson qu’IBM décrit dans une dramaturgie comparable. « Watson est la troisième étape d’une longue évolution des technologies, expliquait Ginni Rometty, CEO d’IBM (IBM réaffirme ses ambitions avec Watson). La première, celle des tabulatrices, était constituée de machines qui n’avaient aucun degré de liberté. La seconde, celle des machines programmables, a donné naissance aux ordinateurs et aux traitements de type « if, then ». La troisième, celle inaugurée avec Watson, ouvre la voie des machines cognitives. Des machines qui parlent notre langage et deviennent plus intelligentes ». Or pour l’instant, ces programmes n’ont eu, sur le plan commercial, que des résultats très modestes.
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[1] Le réseau maillé1 (ou maillage en réseau2) est une topologie de réseau qualifiant les réseaux (filaires ou non) dont tous les hôtes sont connectés pair à pair sans hiérarchie centrale, formant ainsi une structure en forme de filet (source : Wikipedia)