Si l’avènement quasi messianique d’internet alimente nombre de polémiques quant à l’utilisation que l’on en fait, il n’en est pas moins une révolution. Oui, bien sûr, tout cela va si vite que nous n’avons pas le temps de digérer la première vague que la seconde nous tombe dessus. Mais est-ce une raison suffisante pour ne voir que le mal et oublier le bien ? Ce que l’on critique, c’est l’homme qui s’est laissé prendre aux jeux des pernicieux, plutôt que d’utiliser son merveilleux sens du discernement, son libre arbitre pour entrevoir l’espérance d’un monde meilleur.
Quel sens voulons-nous donner au monde, celui des humains, dans sa globalité ? Le monde de pouvoir et d’argent, qui persiste encore aujourd’hui, ne pourra pas s’en sortir sur la durée. Les GAFA vont devoir s’adapter et se mettre au service de la planète parce que la connaissance qu’ils en ont, sans doute la plus pertinente compte tenu de la volumétrie des données qu’ils traitent, ne peut que les amener à ce constat alarmant : faute de conscience, il n’y aura plus rien d’ici peu sur cette terre. Quand bien même arriveraient-ils à contrôler l’humanité, ils ne seraient que quelques-uns à s’en sortir et à quel prix, pour finalement se retrouver à quelques milliers sur une terre qui, pour qu’ils puissent exercer un quelconque pouvoir, leur expliquera qu’il n’y a plus personne pour consommer ce qu’ils rêvaient de produire. L’obsolescence programmée de l’humanité. Il est donc essentiel de se poser les bonnes questions.
De nombreuses théories utopistes s’égrènent sur la toile comme un nouveau pouvoir pour donner du sens à la vie. On appelle cela l’écologie. Ne faudrait-il pas plutôt travailler sur les moteurs de la prise de conscience ? L’école évidemment, et l’entreprise.
Des concepts d’entreprises différentes se multiplient et trouvent un écho favorable auprès des salariés. On multiplie les babyfoots, les massages, les salles de sieste, le Home Office, autant de pis-aller pour créer l’illusion que l’entreprise est un terrain de jeux. Des panneaux en tout genre fleurissent expliquant la conduite à tenir pour être un bon soldat de l’écologie citadine. Mais cela ne donne pas de sens ni de raison d’être à l’entreprise, au plus quelques signaux qui permettent à chacun de dire qu’ici, c’est mieux qu’ailleurs. C’est pourtant bien notre responsabilité, à nous, chefs d’entreprises de montrer qu’il est possible de faire différemment, par l’expérimentation et la liberté d’innover. Notre responsabilité est énorme, nous devons en être dignes.
Alors, quel serait l’objectif ambitieux et atteignable qui ferait consensus dans l’entreprise et que nous pourrions mettre en œuvre ? Comment engager tous les salariés sur le chemin de la responsabilité sociétale et environnementale ?
Tout d’abord, il convient de réfléchir une situation dans son ensemble, et non de manière individuelle. Le système auquel on s’attache doit s’élargir, s’agrandir. Un autre enjeu est la capacité à être objectif, tout particulièrement avec soi. Pour critiquer le comportement de l’autre, il est toujours pertinent de se poser la question de savoir si nous nous sommes comportés de façon similaire.
Prenons un exemple :
Lorsque je prends l’ascenseur le matin qui m’accompagne du sous-sol de mon parking pour aller au rez-de-chaussée, je le renvoie systématiquement au sous-sol avant de sortir, pensant à juste titre sans doute que le matin, c’est un petit bonheur que de trouver l’ascenseur lorsqu’on arrive. Même chose le soir en partant, je renvoie l’ascenseur au rez-de-chaussée. Il s’agit d’un état d’esprit, d’une réflexion de deuxième niveau, d’une manière de s’affranchir de sa seule condition.
Revenons à l’entreprise. Nous avons la responsabilité de nos équipes. Nous avons la chance de travailler sur des métiers qui contribuent à construire l’avenir digital de nos clients. Mais que signifie la digitalisation de l’avenir ?
Un nouvel exemple : la désertification des territoires en établissements de santé
Avec les objets connectés associés à un réseau de communication ultra rapide, il sera possible de poser rapidement des diagnostics à distance dans 80 % des cas. Plus fort encore, le développement de la Data science ouvrira un diagnostic basé sur l’expérience de milliers de médecins à travers le monde, évitant par là même l’aléa d’une version unique posée par un individu isolé, aussi éduqué soit-il. En clair, un centre de soins permettant la captation de données de patients via des objets connectés sera plus efficace qu’un cabinet médical en campagne. Bien sûr, la déshumanisation de la relation soignant-patient peut être une source d’inquiétude. Pour autant, il est impossible de trouver une réponse favorable tant les déficits publics se creusent. Il faut donc accepter le progrès. Les anciennes générations y voient un problème, mais nul doute que les jeunes générations n’y attacheront aucune importance. Le digital permet dans cet exemple de résoudre une problématique.
N’oublions pas qu’Internet est un protocole qui permet de mailler l’ensemble de la planète et de pouvoir échanger de l’information ou des données dès le moment où l’on se trouve dans le maillage en question. Nous sommes-nous posé la question de la pertinence d’un réseau routier ou du chemin de fer ? Nous sommes-nous posé la question de la pertinence des ondes radio, ou hertziennes, voire téléphoniques, lorsqu’elles sont apparues ? Elles ont pourtant permis un progrès considérable, mais négligeable comparé à ceux envisagés grâce à internet.
Au contraire de l’isolement et du repli sur soi, la digitalisation de l’avenir porte une source de connexions et de partages inégalée. Mais sa véritable force est ailleurs, elle réside dans un état d’être, un état d’esprit : celui de l’intelligence collective.
Nul doute que pour sauver notre pauvre planète, sollicitée comme jamais par des excès en tout genre, il faudra que naisse cette intelligence collective que nous avons utilisée parfois à l’échelle de nos salles de réunions, mais cette fois à l’échelle de l’humanité.
Il n’existe pas de formation à la civilité ou au partage. Mais il existe des environnements qui les favorisent. Il faut juste montrer que c’est possible. C’est tout le défi qu’il faudra relever ces prochaines années.
Par David-Eric LEVY, DG associé de SOAT