Née entre 2004 et 2005, la première promesse du Master Data Management (MDM) fut de centraliser les données fondamentales et structurantes d’une organisation pour mieux les piloter. Pourtant, entre les bouleversements règlementaires et la révolution digitale, l’avènement des Big Data et autres Data Lakes, la mise en œuvre concrète du MDM a, en quinze ans, formidablement évoluée. État des lieux.

Du MDM « technique » au MDM « multidomaine »

Au-départ, le MDM s’est incarné à travers des applications très verticales centrées sur le catalogue produit, principalement dans l’industrie de la distribution, avec pour sponsor, la figure tutélaire du DSI. Ce faisant, les clients prennent rapidement conscience que les données clés de l’entreprise sont liées entre elles et que la mise en place d’une approche globale est nécessaire pour les gouverner. Ce constat oriente les besoins des organisations vers un MDM dit multidomaine.

Peu à peu, après les référentiels produits, le MDM s’applique ainsi aux référentiels clients. Les organisations remettent en question la gouvernance de leurs bases de données d’origine, de l’ERP au CRM. Signe des temps, en 2016 Gartner fusionne les catégories MDM clients et produits de ses fameux « Magic Quadrant ». Avec l’essor du digital, un nouveau défi se fait jour pour les entreprises : les nouveaux enjeux de gouvernance de la donnée requièrent désormais de repenser leur organisation.

Entre freins et accélérateurs…

L’avènement du Big Data bride paradoxalement le développement du MDM, notamment à cause de son message tacite associé : « collectez, remplissez, on s’occupera de la valeur ensuite », qui ne plaidait pas trop en sa faveur ! Autre frein : le manque d’élaboration des dictionnaires ou des rôles autour de la donnée mal définis qui ont fait capoter de nombreux projets de MDM…

C’est la montée en puissance des enjeux réglementaires – à l’instar de BCBS 239 et Solvency 2 – qui va jouer un rôle « recadrant », pour devenir un accélérateur des initiatives MDM. Ces nouvelles régulations mettent en lumière la problématique de la gouvernance des données et suscitent une quête de fiabilisation de la chaîne de valeur, terrain de jeu idéal du MDM.

De surcroît, le RGPD contribue à une tendance plus récente : l’extension du MDM à toutes les données partagées, telles que les master data, les données de référence et autres métadonnées. En effet, le RGPD requiert leur gestion effective par des solutions dédiées. Face à cet impératif, les entreprises doivent prendre en compte le besoin de lier ces types de données entre elles, ce qui passe souvent par une nouvelle organisation : il leur faut par exemple classifier leurs données clients selon le consentement obtenus, ce qui nécessite de les lier aux codes de classification qui définissent les consentements.

…des initiatives MDM indissociables du boom de l’analytique et de l’IA

A mesure qu’elles basculent dans l’économie numérique, et qu’elles recherchent une plus grande agilité, les entreprises investissent lourdement pour capitaliser sur leurs données et être en mesure de les explorer, de les manipuler et de les visualiser. En soutien à la cartographie et à l’exploitation des fameux Data Lakes, indispensables à l’analytique des big data, le MDM apporte sa capacité à construire des catalogues pour éviter la création d’un véritable « marécage de données ».

Toute activité analytique doit reposer sur des données fiables, afin d’assurer un haut niveau de confiance. Les données maîtres fournissent ainsi les dimensions d’analyses, les données de référence permettent de créer des hiérarchies et les métadonnées alimentent un catalogue d’accès aux sources de données de l’entreprise. Visualisation, data science et machine learning partagent ainsi un référentiel commun. La qualité des données fait la différence en fournissant à l’IA un contexte d’apprentissage fiable et maîtrisé.

Retours des silos, données partagées, hubs clients : les nouveaux champs du MDM

S’il est fréquent qu’aux fils d’acquisitions, une organisation se retrouve avec un système d’information très siloté, le foisonnement des solutions cloud, plébiscitées par les métiers, a également, contre toute attente, recréé des silos cloisonnant l’information au sein de l’entreprise. A la clé, des problèmes de cohérence de données qui finissent par nuire à ses processus. Plus que jamais, le MDM s’avère indispensable aux DSI qui veulent reprendre la main sur la cohérence de leurs données.

Parmi les autres champs d’action du MDM apparus récemment figurent les initiatives de l’étendre désormais à l’ensemble des données partagées, ainsi dans une entreprise pétrolière, la fiabilité des données sous-jacentes fait alors la différence pour une supervision et un pilotage réussi de l’ensemble de l’activité via ses tableaux de bords. L’association de l’outil avec les données devient ainsi créatrice de valeur.

Autre tendance : la création de Hub Client ou Customer Data Platform (CDP), de nouvelles architectures dédiées à la donnée clients. S’appuyant notamment sur la data virtualisation afin de créer des vues à 360°, ces environnements reposent sur le MDM qui joue le rôle d’un index et apporte de l’intelligence. Sa capacité à œuvrer en temps réel de concert avec une plateforme d’intégration performante est un puissant atout.

En conclusion, si les enjeux de conformité règlementaire ont aidé à remettre le sujet de la qualité des données sur le devant de la scène, beaucoup d’entreprises ne cherchent plus à fiabiliser leurs données sous la contrainte. En leur fournissant un point de vérité leur permettant de partager des données fiables et cohérentes à travers toutes les applications de l’entreprise, le MDM est devenu un levier d’innovation au cœur des initiatives prometteuses d’IA ou de data virtualisation. Si ses gains d’efficacité opérationnelle et son rôle phare dans les déploiements d’analytiques, témoignent de sa maturité, le MDM risque de faire parler de lui encore longtemps. A l’heure où, à l’ombre de la compétition des géants du numérique, les guerres économiques et technologiques se confondent, il pourrait devenir dans les prochaines années, le meilleur garant pour les entreprises françaises de la souveraineté de leurs données et de leur liberté d’innover.

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Christophe Barriolade est Senior Vice President & General Manager EBX, TIBCO Software