La Direction informatique est à la croisée des chemins. Alors que le digital est plus important que jamais dans les entreprises, les équipes IT sont de plus en plus concurrencées par des prestataires externes. Quelle direction prendre pour prouver sa valeur ?

La question est un véritable serpent de mer. L’informatique est-elle un centre de coût ou une source de valeur pour l’entreprise ? La réponse n’est évidemment pas univoque mais une tendance semble se dessiner d’année en année.

En premier lieu, il est important de comprendre les challenges d’un DSI. Celui doit placer son entreprise au mieux sur l’échiquier de la transformation digitale, afin de saisir toutes les nouvelles opportunités qu’elle engendre. L’IT est l’acteur phare de la digitalisation et pourtant son rôle reste souvent obscur. Entre elle et les divisions métiers, c’est l’incompréhension : pourquoi les solutions coûtent-elles si cher ? Comment les budgets sont-ils utilisés ? Pourquoi des projets innovants et utiles au business ne peuvent-ils être financés ? Ce manque de transparence masque la capacité, pourtant bien réelle, à fournir de la valeur.

Dans une très grande majorité d’entreprises, la direction informatique est toujours perçue comme un centre de coût, notamment auprès des directions générales qui voient davantage les budgets engagés que les bénéfices perçus. Cela fait de nombreuses années que les DSI tentent de se défaire de cette image. Non pas pour une question d’ego, mais bien parce que cela freine l’innovation. Et parce que leurs directions apportent une valeur réelle et mesurable. Depuis environ deux ans toutefois, des initiatives de transformation très visibles, voire critiques pour le business, ont amorcé un début de retournement de situation.

Cloud contre Pizza Team

Qu’il s’agisse de cloud, de mobilité ou encore de big data, la place grandissante du digital dans les entreprises a eu un impact très positif car les métiers ont toujours davantage besoin de solutions informatiques pour travailler plus efficacement, pour conquérir de nouveaux marchés où développer des offres inédites. Une situation qui replace l’entité IT au centre des discussions et qui lui donne l’occasion de prouver sa valeur. À condition toutefois de pouvoir répondre aux exigences des utilisateurs.

Impossible aujourd’hui de demander un délai de 18 ou 24 mois pour livrer une nouvelle application ou une nouvelle technologie. Car la première valeur que peut apporter une équipe IT est sa capacité à aller vite et à répondre au besoin au moment où il est exprimé. Pour cela, de nouvelles organisations se mettent en place via des approches de type « Pizza Team », avec la création d’équipes plus réduites et plus agiles, ou « DevOps », avec une proximité renforcée entre les développeurs et les responsables d’exploitation. Dans tous les cas l’objectif est d’expérimenter de nouvelles manières de travailler plus rapidement et de nouveaux schémas de développement. L’enjeu est important pour les DSI, alors que la concurrence externe est de plus en plus forte.

L’explosion des applications en mode SaaS (Software-as-a-Service) a engendré un véritable phénomène de désintermédiation de l’IT. Grâce à la simplicité du cloud, les métiers ont eu l’opportunité de prendre la main sur les technologies dont ils avaient besoin pour travailler plus efficacement. Applications RH, financières ou collaboratives, sont désormais accessibles en quelques clics de souris sans avoir à passer par le responsable informatique. Mais la pratique a ses limites. Car pour lier sa nouvelle application au système de gestion de l’identité, pour intégrer la base de données clients à sa nouvelle application marketing ou pour garantir la sécurité de la solution, le DSI redevient très rapidement un interlocuteur incontournable.

Technology Business Management : la clé de la communication

Celui-ci doit donc désormais agir comme « broker » de solutions digitales, dans une logique ou l’équipe IT interne se positionne comme une société de service. Il est aujourd’hui de plus en plus fréquent de voir des DSI placés en concurrence directe avec des ESN (Entreprise de Services Numériques, ex SSII) et répondre aux appels d’offres lancés par les métiers au même titre que n’importe quel prestataire. Certaines organisations vont même jusqu’à mettre en place une équipe commerciale chargée de promouvoir les solutions IT internes face à ce que peuvent proposer d’autres fournisseurs. Mais pour démontrer la valeur de la DSI, celle-ci doit relever le défi de la communication.

Historiquement, les dépenses IT étaient gérées via l’ERP de l’entreprise et les processus de contrôle de gestion. Aujourd’hui, avec la complexité et la diversité des technologies, cela est souvent insuffisant pour permettre à l’IT de communiquer sur ses investissements, ses arbitrages, sa répartition entre innovation (« plan & build ») et exploitation (« run ») … C’est pourquoi on observe un engouement de plus en plus grand pour les solutions de Technology Business Management (TBM). Ces dernières vont centraliser les informations sur les coûts (matériels, logiciels, services, ressources humaines…), les volumes (serveurs, stockage, postes de travail…) ou encore la qualité de service (tickets d’incidents, correctifs déployés…) pour établir avec précision le TCO d’un service. Cela permet non seulement d’identifier de possibles optimisations mais aussi de réaliser des rapports détaillés compréhensibles par tous les utilisateurs et ainsi de justifier les dépenses réalisées ou à venir.

Alors que toute entreprise est vouée à devenir une entreprise technologique, cette capacité de la DSI à s’imposer comme le partenaire de référence pour piloter les projets sera un des enjeux clé de 2017. Les véhicules connectés dans l’automobile, la blockchain dans l’assurance, l’impression 3D dans l’industrie ou la réalité virtuelle dans la santé, tous les secteurs seront concernés et les organisations devront travailler étroitement avec leur équipe IT pour espérer sortir gagnant de la nouvelle ère digitale.

 

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Julien Escribe est Partner, Information Services Group