Le projet de loi sur le Renseignement est discuté cette semaine dans l’Hémicycle de l’Assemblée Nationale. Ci-dessous les discussions préalables en commission.
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PROJET DE LOI relatif au renseignement (Procédure accélérée) : pour accéder au projet de loi, cliquer ici

 

Exposé des motifs

Le renseignement permet de connaître et de prévenir les risques et les menaces pesant sur notre pays et sa population, ainsi que de mieux appréhender les grands enjeux auxquels ils sont confrontés. Par là-même, il participe de la garantie des droits des citoyens, qui dépend notamment de l’ordre public pour être pleinement assurée. Dans le contexte actuel, international aussi bien qu’intérieur, le renforcement de la politique du renseignement, dans le strict respect des libertés individuelles, est nécessaire.

Après la parution du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, l’organisation et la gouvernance du renseignement en France a déjà connu des évolutions importantes : la création du conseil national du renseignement, qui définit sous la présidence du Président de la République les orientations stratégiques et les priorités en matière de renseignement ; la nomination auprès du Président de la République d’un coordonnateur national du renseignement, qui coordonne l’action des services spécialisés de renseignement et s’assure de leur bonne coopération ; la constitution d’une « communauté du renseignement », qui comprend les services spécialisés, le coordonnateur national et l’académie du renseignement nouvellement instituée ; la création de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), destinée à doter notre pays d’un service de sécurité intérieure correspondant à ses besoins ; enfin, la création d’une inspection des services de renseignement en 2014. Parallèlement, les moyens consacrés au renseignement ont été fortement accrus, non seulement en matière d’équipement technologique mais également, grâce à des plans de recrutement de grande ampleur, passés et à venir, en termes de renforcement des équipes, qui font désormais appel à des compétences nouvelles, telles que linguistes, analystes, ingénieurs ou encore mathématiciens.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a, quant à lui, rappelé que la « fonction de connaissance et d’anticipation » était un élément fondamental de la stratégie de sécurité nationale et la « condition de décisions libres et souveraines ».

Pourtant la réforme demeure inachevée. Il reste tout d’abord à définir, dans la loi, les principes et les finalités de la politique publique du renseignement, prérogative de l’État, pour reconnaître sa contribution à la sécurité nationale et à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. Il reste surtout à encadrer l’utilisation des techniques de recueil du renseignement pour renforcer la protection des libertés individuelles tout en sécurisant l’action des services spécialisés. De ce point de vue, la France est manifestement en retard par rapport aux autres grandes démocraties.

Il est en outre paradoxal que les activités de renseignement, bien qu’essentielles à la souveraineté nationale comme à la protection de nos concitoyens, soient encore dépourvues d’un cadre juridique général et cohérent. Si le législateur est venu progressivement combler certaines lacunes, par exemple en matière d’interceptions de sécurité en 1991, de communication de documents par les services fiscaux en 2007 ou encore d’accès administratif aux données de connexion ou de consultation des fichiers administratifs et judiciaires en 2013, le dispositif législatif demeure lacunaire.

La lutte contre le terrorisme illustre les insuffisances du cadre juridique national. L’efficacité du dispositif répressif français est certes reconnue : la création, en 1996, du délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, ainsi que les mesures plus récentes comme l’extension du champ de l’association de malfaiteurs à des faits commis à l’étranger ou la création du délit d’entreprise terroriste individuelle, ont aggravé les sanctions applicables à ces projets criminels. En revanche, les outils du renseignement, hors procédure judiciaire, s’avèrent encore mal adaptés à la réalité opérationnelle. Efficace dans la neutralisation, la France doit désormais améliorer la détection.

Dans un rapport d’information présenté en 2013 sur le cadre juridique applicable aux services de renseignement, les députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère ont recensé les lacunes de notre droit et démontré la nécessité urgente d’y remédier : « Alors qu’il compte parmi les plus anciennes des nations démocratiques, notre pays est également le dernier à ne pas avoir établi un cadre normatif adapté ».

Le rapport d’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014 renouvelle ce constat : « La France demeure en effet la seule démocratie occidentale à ne pas bénéficier d’un cadre juridique, laissant de ce fait nos services dans la plus parfaite indigence juridique, exposant les fonctionnaires qui œuvrent en ce domaine et créant les conditions de possibles atteintes aux libertés fondamentales pour les citoyens ».

Les inconvénients de cette situation sont nombreux et graves. En premier lieu, les agents des services spécialisés de renseignement, dont la protection de l’anonymat a pourtant été renforcée par le législateur en 2011 et en 2013, demeurent exposés à des risques pénaux injustifiés. En deuxième lieu, l’absence de règles claires approuvées par le Parlement en matière de renseignement favorise les suspicions infondées sur l’activité des services spécialisés et fragilise leur action, faute d’un consensus social exprimé par la représentation nationale. En troisième lieu, l’insuffisance de la loi limite l’étendue du contrôle exercé sur les services spécialisés : ce qui n’a pas de fondement légal n’a pas de contrôle organisé, ce qui n’est pas acceptable dans une société démocratique attachée à la protection des libertés constitutionnellement garanties.

C’est pourquoi, rompant avec l’approche fragmentée qui a prévalu depuis un quart de siècle, le présent projet de loi relatif au renseignement vise, pour la première fois en France, à offrir un cadre légal général aux activités des services de renseignement, alliant détermination des principes, définition des techniques et renforcement du contrôle. Ce cadre juridique rassemble des dispositions préexistantes rénovées, notamment en matière d’interceptions des correspondances et d’accès administratif aux données de connexion, et des dispositions nouvelles, notamment en ce qui concerne certaines techniques de sonorisation de lieux, de captation de données ou de localisation en temps réel d’objets ou de personnes. En parallèle des contrôles administratifs internes et du contrôle parlementaire exercé par la délégation parlementaire au renseignement, le projet de loi confie à une autorité administrative indépendante et au Conseil d’État le soin d’exercer un contrôle strict sur la mise en œuvre des techniques autorisées.

Enfin, l’administration pénitentiaire, dans le cadre de sa mission de sécurité, a constitué un « bureau du renseignement pénitentiaire » en 2003 dédiée aux besoins de sécurité des établissements pénitentiaires, afin de mieux identifier et suivre les profils sensibles. Des liens se sont tissés avec les services de renseignement du ministère de l’intérieur afin d’échanger des informations notamment pour anticiper les sorties de détention. Ses moyens se sont développés depuis 2012 pour les missions de centralisation des observations et écoutes effectuées par les personnels affectés en établissement, et d’échanges avec les services de renseignement. Le plan de lutte anti-terroriste prévoit de le renforcer en personnels à tous les échelons (établissements pénitentiaires, interrégion, administration centrale).

La loi pénitentiaire (articles 39 et 40) autorise l’administration pénitentiaire à procéder à divers contrôles pour la sécurité de l’établissement : ouverture des courriers et écoute des conversations autorisées passées à partir des cabines téléphoniques sur la coursive. Un décret prévoit le contrôle des ordinateurs dont les détenus condamnés peuvent faire l’acquisition (sans accès à Internet).

Le projet de loi comporte des dispositions qui permettent à l’administration pénitentiaire d’identifier des téléphones utilisés illégalement par les personnes détenues et de contrôler l’usage des équipements informatiques en leur possession.

Ces contrôles ont vocation à prévenir les risques d’évasion et la commission d’infractions à l’intérieur des établissements. Dans le cadre de ce contrôle et des informations qu’elle est susceptible de recueillir, l’administration pénitentiaire peut être amenée à recueillir des informations justifiant une alerte aux autorités judiciaires ou aux services du ministère de l’intérieur.