À Toulouse, ce mercredi 16 février, Thierry Breton est venu défendre le projet européen de constellation de satellites à basse altitude pour un Internet haut-débit accessible partout. Le projet est bel et bien de disposer d’un concurrent souverain au Starlink d’Elon Musk.
Financé par un premier plan de 6 milliards d’euros, le projet européen de constellation de satellites pourrait voir ses premiers déploiements de satellites se concrétiser avant la fin 2024.
L’un des objectifs est de permettre à l’Europe d’être plus indépendante des Américains en matière de connectivité Internet. Car, à bien y regarder, aujourd’hui l’Europe reste relativement dépendante du câble de réseaux sous-marins dont elle ne maîtrise pas forcément les deux extrémités. L’espace permet de s’affranchir de cette dépendance.
Mais ce n’est pas le seul objectif affiché. L’Europe par ce nouveau réseau de télécommunications veut aussi améliorer les interconnexions entre elle et les pays d’Afrique et contribuer ainsi à l’épanouissement d’Internet sur ce continent.
Enfin, le projet cherche aussi à développer les capacités européennes de surveillance de l’espace et de suivi des objets en orbite. On le sait, la proche périphérie de la Terre est déjà bien encombrée de débris. Mais avec Starlink qui veut déployer 40 000 satellites, Kuiper (son concurrent sponsorisé par Jeff Bezos) qui compte faire orbiter plus de 3 000 satellites à partir de la fin de l’année et les projets équivalents russes et chinois (qui représentent plus de 13 000 satellites supplémentaires), le ciel va être bien plus encombré. Surveiller tout ce qui gravite au-dessus de la tête des Européens devient désormais un enjeu important, à la fois politique, stratégique et militaire.
La France pousse la souveraineté européenne dans le cloud et dans l’espace
S’exprimant en tant que président du conseil européen, Emmanuel Macron a rappelé que « sans maîtrise de l’espace, en effet, pas de souveraineté technologique. L’accès à Internet, la navigation par satellite, tout cela dépend en grande partie de l’espace. Sans maîtrise de l’espace, pas de souveraineté industrielle et économique… Sans maîtrise de l’espace, il n’existe pas au fond de puissance complète capable tout à la fois de maîtriser pleinement son destin et de conquérir de nouvelles frontières. ».
Le président français a fait de la souveraineté de l’Europe l’une des priorités de la présidence française du conseil de l’UE : « Faire en sorte en quelque sorte dans tous les domaines que notre union se donne les moyens de définir sa propre politique en coopérant avec qui elle choisit mais sans dépendre des choix des autres. »
Il a défendu l’idée de cette constellation de satellites : « Parce que réseaux et objets militaires, connectés, services de secours, véhicules autonomes, transport maritime, téléconsultation, téléchirurgie, lutte contre la fracture numérique, tout ce qui fait déjà notre quotidien, une bonne partie de nos combats suppose ces infrastructures et les constellations. L’Europe doit prendre sa part dans la révolution des constellations ».
La souveraineté peut-elle être rentable?
Reste la grande question : ce projet peut-il afficher la moindre rentabilité économique ? La réponse n’est pas évidente. D’abord parce que la fibre se déploie très largement partout en Europe et a aujourd’hui dépassé le nombre d’abonnements ADSL (en France et dans plusieurs autres pays). Ensuite parce que la 5G connaît elle aussi un déploiement rapide. Certes, la constellation vise justement les clients qui ne peuvent bénéficier ni de l’un, ni de l’autre. Mais seront-ils assez nombreux pour rentabiliser un tel projet. Si Starlink a très rapidement su séduire 500 000 clients, l’entreprise n’a plus communiqué de chiffres depuis près d’un an et son service clientèle a été pointé du doigt à maintes reprises (rappelons toutefois que le programme n’est qu’en « Public Beta »). Par ailleurs, pour réussir, la constellation européenne devra être très accessible notamment aux TPE et PME réparties un peu partout sur le territoire. Elle devra également offrir de hautes performances.
Des défis qu’il faudra relever mais qui devraient, selon Bruno Le Maire, créer des milliers d’emplois en France notamment dans la région de Toulouse. « Il y a beaucoup de startups qui sont installées à Toulouse et qui travaillent sur le new space » rappelle le ministre de l’Économie.
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