Le déploiement des outils de communication modifie considérablement nos usages. A l’heure du « digital world », les citoyens pensent de plus en plus « applications smartphones » pour gérer leurs demandes. Par ailleurs, ils sont baignés dans un environnement médiatique où on leur sérine les oreilles des mots « sécurité » et du coup ils s’intéressent de plus en plus aux applications mobiles s’appuyant sur la géolocalisation. Pouvoir trouver la pharmacie la plus proche, savoir où sont ses enfants, trouver un lieu de rendez-vous, pouvoir être informé des zones d’embouteillages, pourvoir être alerté d’un accident pour décider d’un autre chemin…
On estime aujourd’hui que les utilisateurs de smartphone téléchargent une vingtaine d’applications. Et ce n’est que le début…
Dans la continuité de ces nouveaux besoins, le citoyen européen s’attend aujourd’hui à disposer d’une application fonctionnant partout en Europe pour appeler les secours.
La réalité : le 112 n’est pas encore connu de tous les citoyens européens
Le Conseil Européen, dès 2000, émet le souhait d’un numéro d’appel d’urgence unique dans toute l’Europe, le 112.
Historiquement, chaque pays avait développé, sur une technologie propriétaire, un ou plusieurs numéros d’urgences. C’est le cas de la France qui dispose du 15 pour appeler le SAMU et du 18 pour les sapeurs-pompiers. Cette situation complexe pour les touristes et même pour les nationaux crée la confusion au point que 70 à 90% des appels doivent être redirigés vers un autre centre d’appels plus pertinent.
A la différence de la France, des pays ont déjà fait le choix d’abandonner leurs numéros nationaux au profit du 112. C’est le cas de l’Espagne, du Portugal, du Luxembourg, de la Suède, de la Finlande, des Pays Baltes et du Danemark.
A ce jour le 112 est disponible dans l’ensemble des 27 pays européens.
La localisation des appelants est vitale et pourtant…
Comme le souligne la commission européenne dans son rapport publié le 11 Février 2015[1], aucune amélioration n’est constatée sur la mise en œuvre d´une localisation de l’appelant plus performante en Europe.
Ceci malgré les dispositions contenues dans l’article 26.5 de la directive 2009/136/CE concernant le service universel obligeant les fournisseurs de services de communication de préciser les critères de performances de la localisation. Depuis 2003, Il est important de noter que tous les opérateurs mobiles fournissent pour le 112 une précision « Cell-ID » en Europe. Dans ce cas la précision dépend de la taille de la cellule. Cela peut varier de quelques centaines de mètres en centre urbain à 30 km en zone rurale ! Trop imprécis pour porter rapidement secours.
A titre d’exemples, aujourd’hui d´après les données recueillies par le Comité des Communications (COCOM), plusieurs minutes sont nécessaires pour un centre d’appel 112 en France pour recevoir la localisation de l’appelant, par exemple 34 min pour la Grèce …
Or la localisation est indispensable pour pouvoir identifier la zone d’intervention – lieu public/espace privé ? – et lancer plus rapidement les alertes aux organismes concernés (Préfectures, Polices…), à la population si nécessaire (situation de feux, d’orages violents, d’accidents, d’agressions…) et avertir les équipes d’intervention adéquates (pompiers, ambulanciers, police…).
Dire son adresse quand on a une crise cardiaque n’est pas nécessairement possible. Expliquer où on est sur une route de montagne quand un arbre vient de vous couper la route et risquer de vous tuer n’est pas une évidence… Pouvoir expliquer clairement l’étendue d’un feu de forêt dans lequel on est surpris non plus… Sans évoquer les situations de panique générale où des dizaines de personnes vont appeler avec des informations contradictoires, fantaisistes ou imprécises (attentats, feux dans un lieu public…).
Dans les situations de crise et d’urgence, la géolocalisation sauve des vies. Il est donc vital de connaitre la position de l´appelant pour pourvoir affecter et organiser les secours de manière efficace et dans les meilleurs délais possible.
L´information de localisation sert d´une part à router l´appel vers le centre d´urgence le plus proche et d´autre part sert aux secouristes pour se rendre sur le lieu de l´incident.
La Commission Européenne donne l’impulsion pour faire entrer les services d’urgence dans le XXIème siècle !
Au vue de ces dysfonctionnements, la Commission Européenne a pris un certain nombre d´initiatives, notamment en introduisant dans ses programmes de recherche et d´innovation des projets visant à harmoniser les différentes avancées en matière de services d’urgences.
Quatre axes sont privilégiés : la disponibilité du numéro 112 en priorité sur les réseaux partout en Europe, les avancées en termes de localisation des appelants, l’adaptation du système aux personnes handicapées, la gestion des appels transfrontaliers. Pour que ses choix se concrétisent, la Commission Européenne travaille en partenariat avec nombre d’institutions européennes dont EENA, organisme dédié aux services d’urgence pan-européens, et finance des projets comme NEXES qui réunissent des scientifiques et industriels de nombreux pays Européens.
L’étude des applications mobiles d’urgence qui fonctionnent très bien dans certaines pays/régions comme Alpify, my112 ou WhereAREU, les progrès des nouvelles technologies mobiles et de l’Internet devrait pouvoir, grâce à ces partages entre institutionnels et industriels privés de plusieurs pays européens concrétiser ces directives de la Commission Européenne.
En s’impliquant dans ces programmes de R&D, la Commission Européenne donne une impulsion politique forte pour suivre une tendance sociétale qui conduit le citoyen à « tout rechercher et trouver sur son smartphone » !
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Bertrand Casse, Directeur des Relations Publiques région Espagne chez Deveryware et Vice-Président du comité des opérations de l’EENA, European Emergency Number Associations