Cette conférence numérique franco-allemande qui s’est tenu hier à Paris est une grande première et consacre le numérique comme un sujet majeur digne d’une coopération bilatérale entre les deux pays.

« La fragmentation de l’Europe c’est ça le problème », expliquait Stéphane Richard ce matin à France Inter en commentant les avancées apportées par la conférence franco-allemande reconnaissant au passage la faiblesse du capital-risque face à ce qui se passe aux États-Unis. « Il faudrait être capable de tirer parti du grand marché européen de plus de 500 millions d’habitants » poursuivait le patron rêvant tout d’un marché unique du numérique avec un seul régulateur.

L’antienne n’est pas nouvelle et a été chantée par de nombreux porte-paroles. C’est sans doute vrai pour les opérateurs télécom qui sont « plus d’une centaine en Europe contre trois ou quatre aux États-Unis ».

Mais on peut en douter pour le reste du numérique car cette fragmentation n’a, à l’évidence, pas empêché les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) de se développer sans entrave. Et ils sont loin d’être les seuls car il faudrait compter avec la vague plus récente du numérique avec les Uber et autres Airbnb qui ont pris tout autant leur aise sur le Vieux Continent malgré les nombreux obstacles, notamment réglementaires. Le dynamisme autour de l’étendard de la FrenchTech est remarquable, mais les véhicules de financement en France et même en Europe, sont très loin de ce que l’on peut observer aux États-Unis avec un capital risque au plus haut de sa forme.

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Et le phénomène n’est pas nouveau car cette domination des Américains dans l’informatique traditionnelle, les matériels et surtout le logiciel, remonte à loin. Dans le matériel, les constructeurs européens ont totalement disparu du paysage. Dans le logiciel, deux chiffres permettront de s’en convaincre : le logiciel français pèse 10 milliards d’euros, Microsoft à lui seul dépasse aisément les 80 M€. Bref, les raisons d’inquiétude de la place de l’Europe dans ce nouvel espace du numérique sont légion.

On ne peut donc que saluer la tenue de cette conférence numérique franco-allemande, les ministres Sigmar Gabriel et Emmanuel Macron ont annoncé la mise en œuvre d’une coopération bilatérale, pour accélérer la transformation numérique de l’économie.

Elaborer une stratégie numérique ambitieuse pour l’Europe, était l’objectif au cœur de cette première conférence numérique franco-allemande, qui s’est tenue hier à Paris et qui avait été annoncé en mars dernier par François Hollande et Angela Merkel, entend « mettre en lumière le dynamisme des secteurs numériques, renforcer la coopération entre les écosystèmes numériques et les plateformes industrielles, mais aussi promouvoir une stratégie globale pour le marché unique du numérique au sein de l’Union européenne ».

Renforcer la compétitivité de l’économie

Ce marché unique apparaît indispensable à nos dirigeants pour parvenir à une économie forte, où les technologies numériques seraient exploitées pleinement, pour renforcer sa compétitivité. L’Allemagne et la France veulent jouer le rôle de moteur déjà endossé dans d’autres secteurs et ainsi définir un cadre adéquat pour un marché unique ouvert, qui permettrait par exemple aux startups de croître pour devenir des acteurs d’envergure européenne. Les deux pays s’engagent notamment à signer une convention bilatérale sur la création d’un statut de « jeune entreprise innovante », avec à la clé un régime favorable pendant les premières années d’activité des startups. En France, le foisonnement des startups est indéniable mais le problème est leur croissance. Très peu d’entre elles arrivent à croître et prendre une dimension internationale.

Développer les compétences pour favoriser l’emploi

La numérisation de l’économie va entraîner une modification des conditions de travail et des compétences. Cette transformation offre l’opportunité de favoriser l’emploi. Elle doit être anticipée, comme c’est le cas avec la création de l’Académie franco-allemande de l’industrie du futur (Mines-Télécom / Technische Universität München). La France et l’Allemagne prévoient de soutenir la modernisation de l’industrie et de saisir les nouvelles opportunités économiques qu’offre la numérisation de l’économie. En particulier par le biais de projet tels que « Industrie du futur » en France et « Industrie 4.0 » en Allemagne, qui coopéreront sur la base d’objectifs communs dès la fin 2015.

Renforcer le poids du big data et soutenir le développement des start-ups

Les deux ministres de l’Economie veulent valoriser la collaboration entre acteurs industriels, notamment autour de la nanoélectronique et du big data (ou volumes massifs de données). Ce dernier devrait avoir un rôle fondamental dans la transformation numérique de l’économie. Les normes et standards du big data deviennent donc un défi majeur, pour régler les questions relatives à l’accès aux données.
La France et l’Allemagne souhaitent également créer un label pour garantir la sécurité et l’intégrité des données stockées sur le cloud, à distance. Objectif : renforcer la confiance du grand public envers ce type de solutions.

 

Sigmar Gabriel et Emmanuel Macron veulent soutenir davantage les start-ups innovantes et pallier l’insuffisance du financement par fonds propres de la croissance en Europe. Les organismes Bpifrance en France et KfW en Allemagne joindront ainsi leurs efforts via une plateforme d’investissements conjoints en capital-risque, pour favoriser les investissements transfrontaliers.

Un état des lieux des actions entreprises sera dressé lors de la prochaine rencontre sur le numérique, prévue pour 2016.


Un plan du CNNum et du DJDW en 5 points

Le Conseil national du numérique (CNNum) et son homologue allemand, le comité « Jeunes entreprises du numérique » (BJDW), ont présenté en marge de la conférence un plan d’action commun afin d' »Agir pour l’Innovation » (API). Ce plan traite de « l’innovation et la transformation numérique en Europe ». Le texte porte sur cinq grandes thématiques comprenant chacune plusieurs recommandations. Ci-dessous les principaux points de ce texte.

Numérique, éducation et promotion de l’entrepreneuriat

Dans leur texte, le CNNum et le BJDW appellent « à la généralisation de l’enseignement d’un socle commun de compétences numériques dans les programmes éducatifs européens ». L »objectif : faire en sorte que tous les petits élèves d’Europe développent les mêmes compétences en matière de numérique. Ils proposent aussi d’investir dans l’éducation numériques à trois niveaux différents. D’abord en développant ‘le secteur compétitif de l’e-éducation’, puis en renforçant « la recherche sur la transformation numérique », et enfin en maintenant « un potentiel fort d’innovation dans les entreprises de taille moyenne ». Le texte préconise également d’encourager une coopération européenne afin de « favoriser le partage des savoir, l’esprit d’entreprise et l’innioation ».

Ecosystèmes numériques européens des startups

Le plan d’action API propose d' »encourager les échanges hors et en ligne qui permettent de faire naître des projets européens », notamment en soutenant les « places de marché européennes de l’économie numérique ». Pour les deux organes, les startups européennes doivent être internationale dès le départ. Donc, elles doivent pouvoir « intégrer des talents internationaux ». Le CNNum et le BJDW estiment également que désormais « une startup doit se positionner comme un acteur européen et non un acteur national ». Ils souhaitent donc que la France et l’Allemagne soutiennent un « régime social et fiscal, favorable et harmonisé, pour les startups innovantes en Europe ».

Numérique, capital-risque et innovation en Europe

Sur ce point, les auteurs du plan d’action veulent « établir un environnement plus attractif pour les business angels », ces investisseurs qui font le pari de financer des startups. Ils proposent également d’améliorer l’accès aux marchés financiers européens pour tous les membres de l’univers numérique.

Marché numérique européen

Le Conseil national numérique et son homologue allemand proposent principalement la création « d’une agence de notation des plateformes ». Ils estiment que cela permettrait d’apporter plus d’informations sur les startups tout en régulant leur évaluation les unes par rapport aux autres.

Transformation numérique de l’économie européenne

Pour les auteurs du texte, il est primordial que la France et l’Allemagne soutiennent « les domaines prioritaires que sont le développement de l’économie de la donnée et l’internet des objets ». Deux enjeux majeurs de l’économie numérique au niveau mondiale. Si l’Europe ne veut pas être en retard, le couple franco-allemand doit, selon le plan Agir pour l’innovation, « développer une stratégie d’innovation ouverte » et commune.