Alors que, suite à la publication d’un billet de blog de Eric S. Raymond beaucoup ont annoncé un manque d’intérêt de Microsoft pour Windows au profit de Linux, la réalité du moment s’avère l’exact opposé avec des investissements renforcés et l’arrivée prochaine de l’émulation x64 sous ARM.

Le hacker et co-fondateur de l’Open Source Initiative Eric S. Raymond, alias ESR, qui prédit depuis toujours que Linux supplantera Windows sur le bureau des PC a publié la semaine dernière un billet de blog expliquant que dans un avenir indéterminé Microsoft finirait par faire de Windows une surcouche d’émulation au-dessus de Linux marquant la victoire définitive de l’OS open source sur les PC. Information reprise mille fois dans la presse et mille fois déformée pour en faire une réalité à venir prochainement.

Le problème, c’est que le billet très partisan d’ESR s’appuie sur des constatations pour le moins contestables. Selon lui, le fait qu’Azure héberge désormais plus de serveurs Linux que de serveurs Windows et l’arrivée de WSL (le sous-système Linux) dans Windows 10 sont la preuve de ce qu’il avance et du manque d’intérêt de Microsoft pour son système.

Microsoft n’avait plus porté autant d’intérêt à Windows que depuis le confinement !

Panos Panay & Brad Anderson discutent de Windows durant le confinement.

De fait, c’est un peu tout l’inverse qui se passe en ce moment. Pour la première fois depuis presque une décennie, les ventes de PC sous Windows sont reparties à la hausse (certes très légère). Surtout, le confinement aidant, les utilisateurs ont redécouvert leur PC en tant qu’indispensable outil du quotidien. Microsoft a constaté un regain d’intérêt et d’activité autour de Windows qui justifie désormais que le système reçoive davantage d’investissements de la part de son créateur.

Porté par Panos Panay, nouveau patron de la division Windows & Devices, à qui l’on doit la gamme Surface, Windows 10 bénéficie de nouveau d’une roadmap claire centrée sur la productivité individuelle. En témoigne, cette vidéo diffusée lors du dernier MS Ignite.

WSL2, le Linux à l’intérieur de Windows 10

On peut également rétorquer à ESR que Microsoft ne cherche – pour l’instant – nullement à fondre Windows dans Linux comme il l’affirme mais plutôt à faire exactement l’inverse : fondre Linux dans Windows ! C’est l’objectif poursuivi par la fameuse couche WSL2, au départ implémentée pour séduire les développeurs Linux et les maintenir sous Windows et qui peu à peu prend une tournure plus généraliste avec le support des GPU et des applications graphiques.
On pourra aussi lui rétorquer que le nombre de serveurs Linux en exécution sous Azure doit aujourd’hui être contre balancé par le nombre de postes virtuels Windows hébergés sur le service Azure Windows Virtual Desktop (l’offre Desktop as a Service de Microsoft).
Enfin, on rappellera également à ESR que les nouvelles Xbox Series X|S et les casques Hololens 2 sont également intimement liés à Windows.

La compatibilité x64 arrive sous ARM

Peut-être que Windows deviendra un jour une surcouche de Linux, dans un lointain avenir… Ou peut-être que d’ici là, d’autres systèmes se seront imposés ou peut-être que Windows lui-même sera devenu open source. Qui sait ?
Mais pour l’instant, et aussi loin que l’on puisse lire dans l’avenir informatique sans spéculer, Microsoft est plutôt motivé à amener Windows sur de nouveaux form-factors (façon Surface Neo) et sur de nouveaux processeurs.

Dans un billet de blog qui sonne comme une réponse indirecte à ESR, Panos Panay a confirmé l’arrivée de l’émulation x64 (autrement dit « 64 bits-x86 ») sur ARM. Les Windows Insiders en bénéficieront dès le mois de novembre pour une probable disponibilité officielle dans Windows 10 21H1 (la première des deux mises à jour de Windows en 2021).

Surface Pro X, la Surface sous processeur ARM

Cette annonce est importante car Microsoft s’est un peu fait ridiculiser par Apple cette année alors que l’entreprise de Tim Cook s’apprête à lancer en fin d’année sa nouvelle génération de Macs sous architecture ARM. MacOS Big Sur affiche des capacités d’émulation de l’existant Intel bien supérieures à celle de Windows.
Or le succès de la Surface Pro X et d’une manière générale de Windows On ARM (WoA) dépend intrinsèquement de la disponibilité du catalogue applicatif Windows sous cette architecture. Jusqu’ici Windows on ARM n’était capable d’émuler que très poussivement les applications x86 32 bits.
« Nous allons étendre la prise en charge de l’exécution d’applications x86, avec l’émulation x64 qui débarquera dans le programme Windows Insider dès novembre explique Panos Panay. Nous travaillons en étroite collaboration avec Acer, HP, Lenovo, Samsung, et Surface pour apporter ces  innovations Windows on ARM et de nouveaux produits ARM à davantage de clients partagés ».

Surtout, Microsoft a étendu son programme App Assure à Windows 10 on ARM pour encourager et aider les développeurs, et plus encore les entreprises, à porter leurs applications directement sous ARM pour bénéficier de la pleine puissance de ces processeurs et du gain de batterie promis par cette architecture CPU.
D’ailleurs, le catalogue de logiciels Windows sous ARM commence à s’élargir. Désormais le navigateur Edge et l’environnement de développement Visual Studio Code sont disponibles sur ARM avec des optimisations propres à ces processeurs. Microsoft annonce également que Teams bénéficiera prochainement d’une version ARM. Firefox et d’autres applications open source ont également des versions WoA. S’y ajoutent les applications UWP.

Autant de nouveaux atouts qui rendront bien plus attractive la prochaine génération de Surface Pro X (attendue prochainement) et permettront à la nouvelle génération de PC sous ARM, animés par la seconde génération de processeurs « Qualcomm SnapDragon 8cx », de ne pas se ridiculiser face aux futurs Mac sous ARM.

Bref, Microsoft investit davantage en ce moment dans Windows que l’entreprise n’a semblé le faire ces deux dernières années. Ce qui finalement est une bonne nouvelle pour le milliard d’utilisateurs Windows 10…