Le numérique, l’énergie et les transports constituent trois secteurs particuliers baptisés « secteurs sans frontières » du « Rapport – Réformes, investissement et croissance : un agenda pour la France, l’Allemagne et l’Europe » pour lesquels des mesures s’imposent au niveau européen. Ci-dessous les paragraphes du rapport concernant le numérique. Une idée qui fait écho à une Note d’analyse que vient de publier France Stratégies intitulée « Trois secteurs cibles pour une stratégie européenne d’investissement » dont Jean Pisani-Ferry est président.

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La France et l’Allemagne devraient promouvoir une intégration plus poussée dans certains secteurs d’importance stratégique où les frontières réglementaires limitent considérablement les activités économiques. La construction de «secteurs sans frontières», avec d’autres partenaires, suppose beaucoup plus qu’un simple accord sur la coordination et des initiatives conjointes : il implique d’aller jusqu’à une législation commune, une réglementation commune et même une autorité de contrôle commune. Nous pensons que l’énergie et l’économie numérique font partie de ces secteurs ; nous proposons également une initiative similaire pour assurer la pleine transférabilité des compétences, des droits sociaux et des prestations sociales.

Numérique : 5G, géolocalisation et big data

L’économie numérique est sans frontières, presque par définition. Bien que le numérique ne soit pas un secteur en tant que tel (aujourd’hui, tous les domaines de la création de valeur dans l’économie sont numériques d’une manière ou d’une autre), les besoins relatifs à l’effort réglementaire doivent suivre, là aussi, les règles de ce que nous avons appelé les « secteurs sans frontières ».

Ce secteur relève d’une action commune franco-allemande par essence même. Sur les dix plus grosses entreprises mondiales en termes de chiffre d’affaires, six sont américaines, trois sont chinoises et une est japonaise. Dans les secteurs de l’électronique grand public, des équipements, des logiciels et des semi-conducteurs, le paysage n’est pas très différent même s’il y a des exceptions avec SAP ou STMicroelectronics. L’Europe n’est clairement pas aussi visible qu’elle devrait l’être dans la révolution numérique. En même temps, cette révolution est porteuse d’enjeux profonds pour la création de valeur.

Un leadership industriel global requiert aujourd’hui de fixer des priorités très différentes de ce qu’elles étaient dans le passé. À titre d’exemple, les brevets sur les logiciels, dans les coûts facturés par les constructeurs automobiles, représentent aujourd’hui des montants plus élevés que les brevets sur les moteurs. De plus, l’industrie européenne des services fait de plus en plus face au risque de se trouver à la traîne de la concurrence globalisée et de se voir déposséder par de nouveaux concurrents des segments les plus rentables du numérique. Alors que les consommateurs bénéficient de cette concurrence accrue et de l’apparition de nouveaux modèles économiques, il est important de s’assurer que les entreprises européennes sont parties prenantes de cette refonte à l’échelle de la planète.

Il est également essentiel que l’Europe préserve ses priorités clés en matière de politique publique. Une approche réglementaire commune est essentielle pour la sécurité des données relatives à la vie des affaires, les droits d’auteur, la protection de la vie privée, le droit à l’oubli, la protection des consommateurs dans les transactions numériques, la fiscalité des transactions numériques et en matière d’établissement des normes. Sur ces sujets, l’Europe, les États-Unis et les autres acteurs ne partagent pas nécessairement les mêmes valeurs et les mêmes priorités.

Dans ces domaines, l’Allemagne et la France prises individuellement sont tout simplement trop petites. L’échelle est déterminante dans le monde numérique, même un marché national de taille moyenne est trop petit pour que des acteurs majeurs au plan national atteignent une taille critique au niveau mondial, à un rythme suffisamment rapide. Les meilleurs innovateurs et les meilleurs projets ne peuvent grandir assez rapidement pour concourir face à des rivaux dont les produits se sont développés sur un marché cinq fois plus large. Il est donc crucial de construire des marchés plus larges, sans frontières réglementaires. Le marché européen est grand, il est le plus important pour Google, Facebook, Amazon et Apple. Ces quatre compagnies réalisent en Europe des chiffres d’affaire plus élevés qu’aux États-Unis.

Nous invitons, par conséquent, la France et l’Allemagne à prendre l’initiative de définir une stratégie numérique commune, fondée sur une approche réglementaire commune.

Au-delà, nous plaidons pour une approche coordonnée à l’égard de la prochaine génération des réseaux mobiles (5G), et des évolutions à venir dans les systèmes de géolocalisation et du big data.