La France et l’Europe ont pris un retard considérable dans le nouveau monde digital. Les récentes mesures prises à ces deux niveaux vont dans le bon sens.
Tel est l’un des diagnostics du cabinet Oliver Wyman (ex Mercer) dans le rapport intitulé Révolution Digitale qu’il vient de publier. « Et avec 230 millions de nouveaux utilisateurs d’internet dans le monde chaque année, la mutation digitale amorcée il y a moins de dix ans ne va connaître aucun ralentissement d’ici 2025 » considère Bruno Despujol, partner au sein du cabinet et auteur de l’étude. Et l’étude de présenter un panorama à cet horizon en se basant sur la situation actuelle. En 2025, le monde aura changé de manière irréversible : les hommes et les objets seront connectés, le numérique accélère la globalisation, l’e-commerce aura atteint un seuil de maturité et représentera entre 15 et 25 % des échanges et aura basculé vers l’Asie, l’Amérique sera toujours dominante dans le digital… Des observations connues et largement partagées auxquelles attachent quelques chiffres.
Les vagues de la révolution numérique
Cette transformation numérique analysée par le cabinet n’est pas « un projet d’entreprise de 3 ans » souligne l’étude c’est une mutation dont l’échelle de temps est la décennie. Dans cette complète métamorphose, l’étude perçoit quelques modèles économiques qui s’imposent :
– Innovation par la demande latente : les gagnants ne s’imposent pas par la technologie mais par l’usage. Ils sont capables de résoudre mieux que leurs concurrents ce qui pose problème aux clients et de créer un lien émotionnel. Exemples : Netflix, ZipCar, HomeAway…
– Relationnel : Au début, les modèles numériques se sont focalisés historiquement Il s’agit ici de proposer un accès continu et personnalisé à une gamme de contenus très large évolutive. « On passe du transactionnel au relationnel avec comme objectif le contrôle de la relation client » considère Bruno Despujol. Exemples : Alibaba.com, Airbnb…
– Croissance accélérée : l’objectif ici est de mettre en place des plates-formes globales. C’est la règle du « Winner takes all » bien connue dans les élections américaines et qui s’adapte particulièrement bien à l’univers Internet. Exemple : Apple avec iTunes, Facebook, Google, Amazon, Priceline…
– Industrie 4.0[1] : Dans les dix prochaines années, le développement des systèmes cyberphysiques (CPS) permettra de numériser les processus industriels et de faire émerger des « smart factories »
Les nouveaux comportements d’achat à l’heure du numérique
Cela étant posé, comment une entreprise doit mener sa transformation numérique ?
Primo, quel modèle de transformation mettre en œuvre ?
L’étude propose deux grandes catégories : intégré et isolé. Le premier correspond aux entreprises où le numérique est assez avancé (entre 15 et 25 % de pénétration internet). Les structures opérationnelles numériques sont intégrées dans les opérations historiques. L’agence de publicité Publicis est un exemple d’un tel modèle.
Dans le second cas, l’entreprise crée une structure numérique isolé qui permettra d’attirer les talents et d’engager un développement rapide sur un domaine particulier et ensuite de tirer l’ensemble de l’entreprise. On trouve ici AXA avec Axa Global Direct ou encore la banque BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria) qui a créé une direction de l’innovation à qui elle a confié le développement d’une banque 100 % numérique au Chili.
Secundo, comment intégrer l’innovation « entrepreneuriale » ?
Plusieurs actions doivent être engagées.
– Mettre en place incubateurs et accélérateurs. L’étude cite le Merck’s Global Health Innovation Fund doté d’un budget de 500 milliards de dollars qui a permis au géant pharmaceutique d’investir dans plus de 20 start-ups, Michelin avec son Program Office ou BMW, Deutsche Telekom et Orange qui ont mis en place des unités pour financer des start-ups numériques.
– Acquérir les compétences clés : on connait les profils – data scientist par exemple – qui seront déterminant dans cette transformation. Le défi sera donc de les attirer et les recruter.
– Diffuser l’innovation partout et pour tous : tous les salariés de l’entreprise doivent devenir eux-mêmes des agents de ce changement.
– Utiliser toutes les possibilités de l’informatique : développement agile, accélération du « time to market »…
– Tester les nouvelles idées : c’est la une des forces du numériques. Booking.com, par exemple, réserve 10 % de ses volumes en test permanent.
Tertio, comment faire évoluer les grands groupes ?
Tous les grands groupes sont concernés par cette révolution et sont concurrencés par des « pure players » tels que Google, Amazon ou Fab Lab. Avant d’être technique, le défi de cette transformation numérique est avant transformationnel et bouscule tout : processus internes, modèles RH, gouvernance…). Les opportunités pour faire évoluer les organisations sont nombreuses (coopérer, se former, collaborer, tester, décider…) mais sans surprise l’organisation est aussi le premier obstacle à la diffusion du numérique. Une bataille entre les anciens et les modernes on ne peut plus classique. « Si la transformation doit être l’affaire de tous, elle doit être portée par la direction générale » conclut, Emmanuel Amiot, en charge des secteurs communications, médias et technologies au cabinet Wyman.
Evolution des modèles de management
[1] Le concept d’Industrie 4.0 correspond à une nouvelle façon d’organiser les moyens de production : l’objectif est la mise en place d’usines dites « intelligentes » (« smart factories ») capables d’une plus grande adaptabilité dans la production et d’une allocation plus efficace des ressources, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle révolution industrielle1. Ses bases technologiques sont l’Internet des objets et les systèmes cyber-physiques (Source : Wikipedia).