Les achats IT – qu’ils soient matériels, logiciels ou de services (prestations intellectuelles, externalisations) – se complexifient et impliquent de plus en plus d’acteurs. Les structures et les pratiques actuelles sont-elles adaptées ?
En 2014, il devrait s’acheter pour 77,3 milliards d’euros de produits et services IT par les entreprises et les administrations françaises. C’est ce qu’indique le rapport intitulé At Last, A Tech Market Recovery In Europe selon lequel la croissance des achats informatique en Europe devrait avoisiner les 5 % alors que le climat économique est celui qu’on connait, c’est-à-dire plus que morose avec une croissance étale.
Le cabinet classe les pays en trois catégories en fonction de leur dynamisme des achats informatiques. Avec 0,3 % de croissance des achats IT, la France se trouve aux côtés de la Suisse, l’Autriche, Autriche et Grèce, tous crédités de moins de 1 % A titre de comparaison, les pays de l’Europe du Nord se situent aux alentours de 5 %. Même s’il n’y pas de lien mécanique entre investissements en technologies et innovation, ce différentiel n’est pas bon signe.
Les mauvais chiffres de 2014 pour l’Hexagone en investissements IT s’inscrivent dans une période de stagnation depuis 2011. En clair, les achats informatiques n’ont pas augmenté depuis quatre ans. Un climat où la formule « faire plus avec moins » est d’autant plus vrai. Historiquement, commente le rapport, la France était le plus important marché logiciel, mais il passera à la deuxième place en 2014 derrière le Royaume-Uni. Toutefois, le logiciel reste le seul domaine avec une croissance significative de 2 %, tous les autres secteurs sont marqués par une croissance nulle, voire négative. C’est le cas de services télécoms et des équipements de communications.
Qui achète quoi ?
C’est dans ce climat très contraint que le Cigref vient de publier le rapport « Achats numériques dans les grandes entreprises – Organisation et indicateurs de performance » qui fait un état des lieux et propose quelques recommandations pour faire évoluer les Achats IT en réponse aux nouveaux besoins. Qu’y a-t-il de commun entre acheter des serveurs ou des systèmes de stockage et se fournir en prestations de services ? Quelle différence entre signer un contrat de licences de logiciels on-premise et prendre des abonnements d’application en mode SaaS ? Comment gérer les achats de logiciels sur les équipements en mode BYOD ? Alors qu’ils étaient jusqu’à une période pas si ancienne relativement simple, les achats informatiques se sont largement complexifiés et doivent suivre l’évolution de réduction considérable de cycles de vie des produits et services. Par ailleurs, la nature même du rôle des technologies dans l’entreprise à changer : de simples moteurs de l’automatisation des processus, elles sont devenus intimement liées à la stratégie de l’entreprise qui ne peut plus se penser sans elles.
Les moteurs et inducteurs qui conditionnent l’évolution des achats IT sont de plusieurs natures : les quatre grandes forces qui régissent aujourd’hui l’évolution des technologies (SMAC ou Social, Mobile, Analytics, Cloud), le phénomène duBYOD, la consumérisation de l’informatique, la disparition de la frontière entre IT et Business. Tel est le décor actuel dans lequel naviguent aujourd’hui les technologies rappelle le Cigref. Par ailleurs, le Gartner estime que le marché B to B ne représentera que 10 à 15% du marché IT global d’ici2 à 3 ans. Constat partagé par le rapport Lemoine sur La transformation numérique de l’économie française pour qui « la course technologique n’est plus tirée par les entreprises ou les grandes organisations. Ce sont les personnes qui font la course en tête ».
Dans ce renversement de leadership entre ces deux acteurs, l’entreprise doit s’interroger sur la manière dont elle pourra tirer partides technologies B to C, et cette dynamique l’oblige à des changements radicauxen termes d’achats. De plus, avec le numérique, la frontière entre le Business et l’IT devientde plus en plus floue et de plus en plus incertaine : le fonctionnement MOA-MOE est demoins en moins adapté, et les cahiers des charges qui ordonnançaient et gouvernaient larelation IT et Achats sont sans doute amenés à disparaître. Dans ce cadre, comment unedirection achats décline ce principe d’agilité ?
Il s’agit de changements de fond pour les acheteurs, qui doivent inventer une nouvelle manière de travailler et de concevoir les achats IT. Ainsi, cette transformation numérique a des impacts majeurs sur les logiciels : le Cloud, les applications et l’internet des objets remettent en cause les modèles traditionnels de licences, et le Bring Your Own Device bouscule les politiques et stratégies RH.
Dans un tel contexte, la fonction Achats doit évoluer vers une posture proactive vis-à-vis des métiers, et en liaison avec la DSI. Les directions des achats doivent être présentes sur le Cloud, le BYOD, le Social car en termes contractuels, les enjeux et les impacts peuvent être majeurs. Le modèle industriel traditionnel va perdurer, mais à côté de celui-ci se développent de nouveaux modèles qui fonctionnent avec des règles fondamentalement différentes : la direction des achats doit proposer une réponse à un besoin exprimé par les métiers. Il s’agit pour elle de se mettre dans une logique de service et d’entrer dans un mode collaboratif avec les métiers. Par ailleurs, dans ce nouveau monde numérique, travailler davantage avec les start-up et avec les PME à offre différenciée est également une nécessité, notamment pour valoriser le caractère différenciant de la grande entreprise. Ce dernier a été évoqué par le rapport Lemoine qui espère un « nouvel élan à attendre de l’interaction entre les petites et moyennes entreprises d’un secteur, les start-ups qui amènent l’innovation et les grands groupes qui vont contribuer à passer l’échelle ».
Deux recommandations du Cigref
Ainsi, dans ce contexte difficile, le Cigref considère que la fonction achat IT doit :
– Repenser les principes de gouvernance : en quoi ces principes sont-ils compatibles avec le pilotage de la performance, le besoin d’agilité, de flexibilité, d’innovation… ?
– Préparer un plan de transformation et travailler sur son marketing : développer une posture d’analyste pour comprendre l’impact des grandes tendances technologiques, définir les modèles d’engagement que la fonction achat peut avoir en fonction des sujets qu’elle traite et est amenée à traiter, se mettre dans une posture de transformation et la communiquer auprès des principales parties prenantes.