L’UX design est une méthode de conception de produits et de services apparue aux États-Unis. Elle a transformé la façon d’aborder la création en mettant l’utilisateur au centre du processus de conception. Malgré un retard dans la diffusion de cette nouvelle approche de création, la France est en passe de le rattraper, grâce aux initiatives des grandes entreprises, l’éducation, et une conjoncture économique et politique favorable.

Un retard culturel hexagonal

Le « design » au sens moderne est né en Europe avec pour emblème la chaise Wassily crée en Allemagne en 1925, ou encore la chaise Panton colorée et plastique des années 60.

De nouvelles problématiques apparaissent aux États-Unis dans les années 90 portées par la révolution numérique. De nouvelles méthodes émergent alors, comme l’UX design. Cette méthode de création ne s’intéresse pas seulement aux fonctionnalités, mais aussi au contexte et aux besoins utilisateurs, afin de créer un meilleur produit/service. Prenons l’exemple suivant : l’expérience d’un ordinateur ne se résume pas uniquement à son utilisation, l’expérience englobe aussi l’achat en magasin, le service clients etc. Ce sont autant de points de contacts où l’expérience client peut être améliorée.

Quand l’UX design a commencé à s’exporter des États-Unis vers l’Europe, porté par la vague technologique, sa méthodologie a d’abord été comprise dans les pays anglo-saxons et germaniques, culturellement plus proches que les pays latins. En France, son assimilation a été un temps retardée par un décalage technologique, et une certaine frilosité à l’égard de l’innovation de rupture[1].

L’intégration verticale des designers

La force des entreprises pionnières en UX design, comme Apple, AirBnB ou Uber a été de comprendre qu’avec la technologie, il ne s’agit plus seulement de créer un produit, mais une expérience, qui englobe l’ergonomie, le packaging, la vente en magasin, le service client, etc. Grâce à cette approche, celles-ci ont révolutionné leurs marchés et dominé la concurrence. Chez Amazon par exemple, la modification d’un seul bouton a généré 300 millions de dollars de revenus additionnel en un an*.

Les plus grosses entreprises américaines ont adopté une stratégie d’intégration verticale, en rachetant des agences de design. Accenture (Fjord) ou Salesforce (Sequence) en sont des exemples.

De la même manière, certains fonds d’investissement ont placé d’anciens designers à des postes d’associés, ce qui a confirmé aux startups la place centrale du design dans le business, y compris pour lever des fonds.

En France, les entreprises tardent encore à mesurer l’importance d’une équipe de design interne, et font souvent appel à des freelances. Les pratiques sont cependant en train d’évoluer, notamment lorsque de grands groupes rachètent des agences spécialisées, comme par exemple Nealite rachetée par PWC France.

En France, une conjoncture plus favorable

Dans de nombreux secteurs les entreprises françaises ont compris que si elles n’amélioraient pas leurs expérience produit/service, les utilisateurs se tourneraient vers la concurrence. Dans le secteur bancaire, par exemple, la loi d’août 2015 qui facilite aux clients le changement d’établissement bancaire, a poussé les banques à massivement recruter des designers afin de fidéliser leurs clients via de nouvelles applications, un meilleur service client ou encore des réorganisations d’agences.

Les initiatives prises depuis des années en faveur de l’innovation française ont porté leurs fruits, et développé un écosystème tech de plus en plus complet, visible mondialement via des initiatives d’envergure comme La French Tech ou Station F. L’UX design est l’un des grands bénéficiaires de cet écosystème, notamment grâce aux startups, dont 85 % disent être conscientes que le design est une compétence fondamentale qu’elles doivent intégrer à leurs produits*.

D’autre part, les agences spécialisées en UX Design émergent car elles aident les entreprises à pratiquer la démarche design sur des projets précis. Elles vont être de plus en plus nombreuses à être rachetées par des grands groupes. Ce processus d’intégration permettra à la France de rattraper son retard, et pourrait même en faire une nation porteuse en UX design.

L’essor de l’UX design passe par l’éducation

La France revient aussi dans la course grâce à l’action de l’Etat qui encourage la formation d’UX designers pour répondre à la demande croissante des entreprises. Sur le modèle des universités américaines qui proposent des masters en Design Thinking comme Stanford et Harvard, l’éducation française s’est emparée de l’UX. Aujourd’hui on trouve à la fois des formations longues au sein d’écoles qui l’intègrent dans leur cursus, mais aussi des formations intensives plus courtes.

Nous sommes de moins en moins tolérants à l’égard d’un produit ou d’un service nous procurant une mauvaise expérience utilisateur. Les acteurs qui dominent aujourd’hui leurs marchés sont ceux qui l’ont compris : le design ne sert pas seulement à rendre un produit beau, mais aussi à concevoir une expérience qui répond aux besoins des utilisateurs. On peut tout repenser si l’on place ces derniers au cœur de la création de valeur.

___________
Louis Massuel est Professeur UXUI de Ironhack

Ironhack est une école proposant un format Bootcamp soit à temps plein (9 à 10 semaines) soit à temps partiel (6 mois) en Développement Web et en UX/UI Design à Madrid, Barcelone, Miami, Mexico et Paris.

[1] L’innovation de rupture est une innovation technologique qui porte sur un produit ou un service, et qui finit par remplacer une technologie dominante sur un marché. Son développement nécessite d’investir sans garantie de retour sur investissement.

*https://www.fastcompany.com/1147825/300-million-continue-button