Après un épisode de très courte durée avec Gerald Karsenti à la direction de l’entreprise, Oracle est piloté de manière transitoire par Fabio Spoletini, patron de la filiale italienne. A l’occasion de la rentrée 2018, InformatiqueNews fait le point avec Karine Picard, Vice President EMEA Applications Strategy et Karim Zein, Vice President Country Leader Technology chez Oracle France sur les dernières évolutions de l’éditeur.
InformatiqueNews : L’épisode Gerald Karsenti a surpris de nombreux observateurs par sa brièveté. Relève-t-il de différends personnels ou plutôt de divergences de vues sur la manière de diriger la filiale française ? Qu’est devenu le programme Go Oracle ! centré sur le cloud et le client qu’il avait lancé dès son arrivée à la tête de la filiale française ?
Karim Zein : Concernant Go Oracle !, il s’agissait de fédérer des initiatives déjà existantes – business avec plein cap sur le cloud, ressources humaines avec You at Oracle pour mobiliser les troupes, client avec la customer generation et innovation avec Innov at Oracle – dans un programme plus global et plus visible à l’intérieur de l’entreprise comme à l’extérieur. Malgré le départ de Gerald Karsenti, nous avons gardé et même accéléré ce programme car nous pensons qu’il correspond à la fois aux attentes de nos clients et de nos collaborateurs. Dans ce moment critique de la transformation numérique, il s’agit tout simplement de remettre le client et ses demandes au cœur de nos préoccupations. Cela peut paraître trivial mais change notre approche commerciale. Il ne s’agit plus de proposer nos offres les unes après les autres, de manière disjointe, mais d’analyser les besoins des entreprises afin de définir la réponse la mieux adaptée. Et nous avons renforcé nos groupes d’utilisateurs afin de mieux les aider à évoluer vers le cloud.
IN : L’organisation d’Oracle a-t-elle évoluée en fonction d’une offre dont le périmètre est de plus en plus large
Karim Zein : Oracle est sans doute une des sociétés de l’IT dont l’offre est la plus large du marché. Nos équipes sont constituées par offres ce qui peut avoir le point faible de ne pas prendre en compte les besoins des entreprises dans leur globalité. Notre organisation a déjà été simplifiée. De plus en plus, nos commerciaux couvrent plusieurs domaines – données, analytics, middleware – auparavant séparés. Dans le domaine applicatif, on s’est réorganisé par industrie. Sur le Top 50 des comptes français, chaque commercial est responsable du compte, doit prendre en compte l’ensemble des besoins et pilote des responsables par grands pôles d’activité : technologies, finances/supply chain, ressources humaines, expérience utilisateur.
Si tu ne vas pas au cloud, c’est le cloud qui viendra à toi
IN : Depuis que Larry Ellison s’est engagé dans le cloud, il a défini des ambitions très élevées. Or il se trouve que derrière un groupe de quatre leaders – AWS, Microsoft, Google et IBM – se trouve des acteurs régionaux ou sectoriels qui sont très loin derrière. Qu’est-ce qui vous fait penser qu’Oracle peut être à terme un acteur majeur du cloud ?
Karine Picard : Le cloud public ne touche jusqu’ici qu’une petite partie de l’IT (computing, stockage…) et les dirigeants des grandes entreprises qui pensent au cloud ont une vision beaucoup plus large qui touche toute leur organisation et vise à la transformation de leur activité. Sur tous les grands pans fonctionnels de l’entreprise, on est très bien positionné. Pour ces grands projets, il faut aussi une infrastructure technique très avancée, c’est ce que nous sommes en train de construire. Nous sommes le seul acteur présent sur les quatre grands domaines que sont le DaaS (Data as a Service), IaaS, PaaS et SaaS avec des capacités de production, haute disponibilité, performance et sécurité ayant peu d’équivalent sur le marché. on a annoncé la première base de données autonome Oracle Autonomous Database Cloud gérée automatiquement. Après la version data warehouse dévoilé en mars, nous avons annoncé la version transactionnelle cet été. Le CERN a été l’un de nos premiers clients.
Pour l’heure, on a seulement gratté la surface des services cloud et rien n’est encore joué. On est l’un des rares acteurs pouvant offrir à la fois les solutions infrastructure et métiers. Par ailleurs, les services autonomes et l’offre Cloud at customer – a ne pas confondre avec le cloud privé – que nous avons lancés cette année vont nous permettre d’accélérer de manière très dans le cloud.
IN : Quel est l’objectif de cette offre cloud at customer qui sonne un peu comme un oxymore ?
Karim Zein : Il s’agit de mettre en place les technologies du cloud derrière le firewall du cloud dans son propre data center, de lui offrir les mêmes avantages, de faire gérer ces services par Oracle dans les pays et d’appliquer le mode tarifaire du cloud (Opex vs Capex). C’est une offre qui correspond bien aux défis que doivent relever les banques, les telcos, les assureurs, les grands de la distribution. C’est là un premier pas vers le cloud public.
IN : Pouvez-vous donner des exemples d’entreprises qui se sont engagées dans cette démarche ?
Karine Picard : Orange par exemple a engagé il y a dix-mois la modernisation de toute la partie finance qui leur permet d’avoir une approche pilotée par la donnée. L’opérateur était auparavant sur ebusiness Suite et est passé sur le cloud à 70 % et vise 100 % à terme. Autre exemple, La Poste qui a engagé une partie de son activité Courrier vers le cloud avec l’introduction de technologies Big Data et machine learning. Cela leur permet par exemple d’optimiser les tournées des facteurs et de lancer de nouveaux services.
Dans la distribution, on peut citer aussi l’anglais Tesco ou le français Auchan. On pourrait aussi citer les Galeries Lafayette qui constitue le plus grand point de vente dans le monde et qui a basculé ses bases de données en mode cloud at customer opérées par Oracle. L’intérêt de cette démarche est de répondre à différents scénarios : par exemple, passer du cloud public Oracle au cloud at customer pour des besoins de réglementations ou de souveraineté de données, étendre le cloud at customer avec le cloud public en cas de débordement (bursting)
IN : En mai dernier, le Cigref a formulé un certain nombre de critiques sur les grands éditeurs dont Oracle.
Karim Zein : Alors que la situation était très critique il y a un an suite à des pratiques opportunistes et ponctuelles avec certains clients, nous avons mis en place un groupe de travail avec le Cigref auquel je participe. A l’époque de la publication du rapport du Cigref en mai dernier, elle s’était améliorée même s’il restait encore des progrès à faire en matière d’audit, de gestion des licences, de pratique commerciale… Nous avons voulu établir un dialogue totalement transparent. Si on prend l’exemple de la virtualisation qui modifie les calculs dans la facturation, sur la dernière année fiscale, on a réglé 22 cas avec des clients en France pour lesquels il y avait des différends.
Pour vous montrer jusqu’où on était prêt à aller, on n’a même proposé au Cigref de jouer le rôle de médiateur entre Oracle et les clients, ce que le Cigref n’a pas accepté considérant que ce n’est pas son rôle. Concernant les audits, on a désormais une approche programmatique, c’est-à-dire prévisible et non changeante en fonction des situations. Autre point, toute notre politique de remise est affichée sur notre site Web et totalement transparente. On a essayé de répondre sur chacun des points soulevés par le rapport du Cigref. Certains nouveaux projets comme avec la CNAF qui évolue vers le cloud public Oracle ou Accor qui veut répondre aux défis posés par les nouveaux acteurs constituent le signe de ce changement interne qui inclut à la fois la DSI et l’ensemble des métiers.
IN : Cet été, vous avez fait l’annonce d’Oracle Soar. Pouvez-vous expliquer ce dont il s’agit ?
Karine Picard : En fait, c’est simple. C’est toute notre expérience cloud, packagée sous la forme de services industrialisés et des technologies permettant aux clients de migrer plus facilement vers le cloud et à moindre coût.