Face aux nouvelles contraintes légales imposées par l’UE, les entreprises devront non seulement réévaluer la conception et la réparabilité de leurs produits, mais également revoir leur modèle de gestion, de la logistique des stocks de pièces détachées à l’amélioration continue de leurs processus.

La nouvelle directive européenne régissant le droit à la réparation est entrée en vigueur le 30 juillet dernier. Cette législation confère un nouveau droit aux consommateurs : celui de pouvoir faire réparer des produits défectueux plus simplement, plus économiquement et plus rapidement. Elle enjoint également aux fabricants de fournir des produits offrant une plus longue durée de vie et pouvant être réutilisés et recyclés – outre leur capacité à être réparés.

L’impact sur les fabricants

Les conséquences de la nouvelle législation vont impacter les fabricants à bien des égards, leur imposant de modifier un large éventail de processus métier. Ils devront non seulement intégrer la réparabilité de leurs produits dès la phase initiale de conception, mais ils devront également mettre en place des ateliers de réparation et donc augmenter leurs stocks de pièces détachées. Nous sommes là en présence d’un retournement complet des paradigmes de fabrication en vigueur, qu’il s’agisse de lean manufacturing, de just-in-time ou de Six Sigma.

Grâce à ce nouveau droit à la réparation, les consommateurs n’auront plus à remplacer leurs articles aussi souvent que dans le passé. Fabricants et détaillants devront développer de nouvelles capacités, en fournissant par exemple leurs produits par le biais d’un système d’abonnement et en proposant des contrats de service et de maintenance.

Considérations technologiques pour s’adapter à la directive de l’UE

Ces changements vont nécessiter une adaptation technologique significative pour que les fabricants puissent se plier à ces nouvelles obligations tout en maintenant leur rentabilité. Une bonne nouvelle cependant : il existe déjà des solutions logicielles intelligentes pour les aider dans cette tâche.

On peut résumer en quelques points les Implications du nouveau droit à la réparation pour les fabricants :

Gestion du cycle de vie produits (PLM)

Les fabricants vont devoir prendre en compte la réparabilité dès l’ébauche d’un nouveau produit. La directive de l’UE impliquant des méthodes de production durables, des logiciels PLM devront être utilisés par tous les fabricants concernés par la nouvelle législation. La dernière génération de logiciels de ce type offre des innovations pouvant aider les entreprises à se conformer aux exigences de l’UE. De nouveaux outils permettent par exemple d’évaluer et d’améliorer la réparabilité des produits, et fournissent des informations sur la manière de prolonger leur durée de vie. A l’aide d’un logiciel PLM adapté, les fabricants pourront gérer leurs produits, de la conception jusqu’à la fin de vie, en bénéficiant de données précises et en temps réel sur leur réparabilité.

Gestion des stocks

Tous les fabricants concernés par la directive devront maîtriser la prévision des demandes de pièces détachées. Cela fait certes longtemps que les spécialistes de produits high tech et les fabricants d’électroménager savent gérer cet aspect, et les capacités de prévision qu’offrent les progiciels de gestion intégrés (ERP) sont devenues plus sophistiquées au fil du temps. Il est probable que les fabricants de systèmes électroniques et de smartphones vont s’emparer à l’avenir de ces plateformes pour se conformer aux nouvelles obligations et trouver le juste équilibre entre le maintien de stocks adéquats et la poursuite d’opérations calculées au plus juste.

Il faut également s’attendre à voir la multiplication des outils de simulation de la supply chain. La nécessité de conserver et d’utiliser des volumes supérieurs de pièces détachées se traduira en effet par des interrogations nouvelles – où localiser les stocks ? quels sites existants utiliser ? où construire de nouvelles installations ?

Passer du CRM aux ERP nouvelle génération

Les fabricants d’électroménager et de smartphones ont pu jusqu’à maintenant gérer les relations clients via des logiciels CRM classiques, n’ayant pas eu besoin d’entretenir des relations directes avec les consommateurs, leurs produits étant vendus via les distributeurs et les détaillants.

Dans un monde où les demandes relatives aux garanties, aux pièces détachées et aux réparations ne cessent de croître, les fabricants vont toutefois devoir utiliser une gamme d’outils venant compléter les capacités des CRM. La complexité nouvelle du reporting financier et de la modélisation associée qui va découler de la directive européenne imposera non seulement l’utilisation d’un logiciel de gestion de la relation client, mais aussi des outils permettant de mettre en œuvre les processus relatifs à la facturation, au reporting financier, à la modélisation des scénarios et aux questions de conformité.

Les services financiers devront collecter des données à partir d’un large jeu d’applications intégrées pour comprendre les nouvelles articulations à l’œuvre dans l’entreprise et l’impact que les processus de réparation, avec les business models associés tels que les services d’abonnement, auront sur le chiffre d’affaires final de l’entreprise.

Dans le même temps, les consommateurs vont s’attendre à bénéficier de mécanismes simplifiés pour retourner leurs appareils défectueux aux fins de réparation. Cela nécessitera une gestion appropriée des retours et la prise en compte des complexités nouvelles qui y seront associées en termes de localisation géographique, de logistique et de coûts. Avec ces problématiques nouvelles, tant extérieures qu’intérieures, les plateformes de gestion CRM deviendront obsolètes ou devront être épaulées par des suites ERP plus complètes et mieux intégrées.

Une approche en 5 points

A quoi pourrait bien ressembler, pour les entreprises, un programme leur permettant de se mettre en conformité avec la nouvelle directive européenne ? Une approche en cinq points principaux peut ici s’avérer utile :

1 – Evaluation : les entreprises doivent d’abord identifier les produits et les composants concernés par la directive et évaluer leurs modes actuels de conception, de fabrication et de réparation. Il leur faut également identifier les principaux intervenants qui seront concernés par chaque aspect de la nouvelle directive.

2 – Planification stratégique : après l’évaluation initiale, l’entreprise devra se fixer des objectifs clés et établir une feuille de route définissant les étapes nécessaires pour se conformer à la directive. Cette feuille de route devra pouvoir s’adapter aux changements du paysage réglementaire et aux conditions du marché. Il est également recommandé de procéder à une évaluation des risques et des défis que peut induire la nouvelle réglementation.

3 – Développement du cadre : cet aspect peut être traité en s’appuyant sur les piliers classiques que sont les équipes, les process et la technologie. Cela passe donc par la mise en œuvre de programmes de formation pour les employés, avec définition de leurs tâches et responsabilités. Il convient ensuite de développer des procédures opérationnelles standard (SOP) et de mettre en place un contrôle qualité approprié. L’entreprise doit enfin s’assurer que ses systèmes IT et ses dispositifs de protection des données sont compatibles avec les exigences de la directive de l’UE.

4 – Implémentation : l’amélioration des compétences des collaborateurs sera également nécessaire afin de répondre au plus près aux exigences de la directive et comprendre l’évolution des processus. S’il existe par ailleurs un besoin d’investissement technologique, le moment sera venu de voir en quoi un logiciel PLM ou des systèmes de gestion des stocks peuvent soutenir les efforts de conformité déployés par l’entreprise.

5 – Revue et amélioration continue : à l’instar de n’importe quel autre programme mis en place, l’entreprise devra vérifier si ses processus existants en termes de suivi et de retours d’expérience s’accordent aux nouvelles exigences de la directive européenne. L’entreprise peut utiliser des données pour vérifier sa conformité, identifier les domaines susceptibles d’amélioration, et étayer les prises de décision en vue de se conformer au nouveau paysage réglementaire.

Outre les considérations technologiques importantes évoquées ci-dessus, les fabricants devront également prendre une décision capitale pour la localisation de leur système – sur site ou dans le cloud. Eu égard au manque de souplesse et au caractère chronophage des procédures de mises à jour, même mineures, de leurs systèmes, ils envisagent toutefois de plus en plus souvent leur transition vers le cloud. Avec la promesse de mises à jour quasiment instantanées et d’un temps de déploiement considérablement réduit, les solutions basées dans le cloud offrent des avantages concurrentiels évidents, alors que les fabricants se préparent à évoluer au sein d’un paysage opérationnel entièrement nouveau pour eux.
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Par Jean-Roland Brisard, VP Solution Consulting, Infor

 

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