Alors que Numericable vient de racheter Virgin Télécom pour 325 M€, Bouygues Telecom cherche à pérenniser son avenir du côté d’Orange.
Certes c’est une opération modeste qui ne va pas bouleverser le paysage des télécoms françaises, mais c’est un signe supplémentaire que le marché des télécoms est en profonde restructuration. Numericable Group a donc racheté Virgin Mobile pour 325 millions. Une opération qui montre bien que l’avenir des MVNO semble plutôt bouché. Virgin mobile c’est 1,7 million de clients, 2500 points de vente et un chiffre d’affaires de l’ordre de 470 M€ en 2013. Vivendi mettra la main à la poche en sortant 200 M€ espérant ainsi doper la part qu’il détient dans la future société.
Après l’échec de son projet de rachat de SFR, Vivendi ayant préféré faire affaire avec Numericable, Bouygues Telecom doit pérenniser son avenir suite à une baisse significative d’activité. Tous ces soubresauts et ces péripéties ne sont-ils pas la conséquence mécanique de l’exiguïté du marché pour quatre opérateurs. Ce mal endémique n’est d’ailleurs pas spécifique à la France et touche presque tous les grands pays européens. Ce qui n’a pas été sans conséquence sur la perte de compétitivité des opérateurs européens face à leurs concurrents américains et asiatiques qui ont pris de l’avance sur le plan technologique. Certes le consommateur s’y retrouvent avec des tarifs plus faibles, mais les opérateurs sont également plus faibles et ont du mal à suivre la course aux investissements technologiques.
Mais il est vrai aussi que lorsqu’ils étaient trois, les opérateurs ont préféré jouer le jeu de l’entente plutôt que celui de la concurrence. Mal leur en a pris puisqu’ils se sont vus sanctionnés en décembre 2005 par le Conseil de la concurrence et infligés une amende globale de 534 millions d’euros (256 M€ pour Orange, 220 M€ pour SFR et 56 M€ pour Bouygues Telecom). Se présentant comme le chevalier blanc du consommateur, le gouvernement français s’est donc fait fort d’organiser le marché autour de quatre acteurs. Fin 2009, il cédait alors la quatrième licence à Free qui allait bousculer la téléphonie mobile après avoir chamboulé ceux de la téléphonie fixe et de l’Internet. Deux ans plus tard, Xavier Niel faisait ses annonces tonitruantes avec des tarifications qui « devraient diviser la facture de téléphonie mobile des consommateurs par deux ». Les concurrents ont pris d’assez haut cette intrusion et joué la carte du dédain et du dénigrement, mais ils ont bien été obligés, selon le principe de réalité, de réajuster leurs tarifs pour limiter la perte massive de clients. Car plus que tout autre, le marché de téléphonie mobile est hautement flexible.
Aujourd’hui, les effets de cette restructuration se sont font pleinement sentir. Et c’est Bouygues Télécom qui est le plus à la peine. Le rachat de SFR aurait pu être solution à sa faiblesse structurelle mais l’opération lui a été soufflée par Numericable préféré par les responsables de Vivendi. D’où ce nouvel épisode de réductions possibles des effectifs de la société – entre 1500 et 2000 salariés – et tout dernièrement discussions avec l’opérateur historique Orange dont on aurait presque oublié qu’il s’appelait France Télécom il n’y a pas si longtemps.
Arnaud Montebourg qui se fait fort d’imprimer sa marque sur ce meccano industriel voit ce rapprochement d’un bon œil car elle s’inscrit dans la consolidation du marché sur trois opérateurs, une solution pour laquelle il plaide depuis le début. Mais autant la fusion entre Bouygues Télécom et SFR était envisageable, autant celle entre Orange et Bouygues est beaucoup plus problématique. Balayant cette hypothèse d’un revers de main, Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS et spécialiste en économie industrielle affirmait sur France Inter ce matin « qu’elle n’avait aucun sens et allait à l’encontre de ce que faisait l’Etat depuis l’époque de la dérégulation. Ces 20 dernières années, l’Etat a tout fait pour faire baisser les parts de marché d’Orange et mettre fin à une situation de position dominante de l’opérateur historique. Et de toute façon, les autorités de la concurrence n’autoriseront jamais une telle opération.
Ce rapprochement entre les deux acteurs peut évidemment prendre des formes diverses comme par exemple une mutualisation plus ou moins complète de leurs infrastructure de réseau. C’est là un vieux débat de la concurrence par les infrastructures ou par les services. Commentant les résultats financiers du premier trimestre qui marque une aggravation de la perte opérationnelle, Philippe Marien, directeur financier du groupe Bouygues a indique selon Reuters que « Bouygues Telecom a une route qui lui permet d’avoir une stratégie indépendante (…) après, tous les scénarios sont sur la table. Tous les opérateurs télécoms réfléchissent à toutes les hypothèses et toutes les opportunités ».
Au-delà des risques juridiques importants, l’opération est évidemment liée aux offres des uns et des autres. Une opération avec Orange serait valorisée au moins à 6 milliards d’euros, alors qu’Iliad serait prête à mettre 4 ou 5 milliards et que Martin Bouygues en voudrait 8. Si l’opération se faisait avec Orange, elle ferait de Bouygues le deuxième actionnaire d’Orange derrière l’Etat qui possède encore 27 % du capital.
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