L’annonce juste avant Noël de l’abandon de Windows Mixed Reality est l’occasion de revenir sur la couche d’amaigrissement de Windows que Microsoft prépare pour 2024.

Windows est un ogre en ressources notamment parce qu’il doit – au nom de la sacro-sainte compatibilité (qui lui permet toujours d’exécuter des programmes vieux de plus de 30 ans) – se coltiner un très lourd héritage d’outils et de fonctionnalités qui n’ont plus nécessairement de raison d’être en 2024.

Alors que Microsoft prépare le successeur de Windows 11, ses ingénieurs élaborent différentes pistes pour réduire la taille du système : supprimer des couches système devenues inutiles, supprimer des outils pas ou peu utilisés et qui n’ont pas de raison d’être intégrés à l’OS, placer dans le cloud des exécutions gourmandes faisant appel à des couches préhistoriques du système…

Microsoft dit adieu à Windows Mixed Reality

Alors qu’Apple s’apprête à lancer dans moins de deux mois son casque de réalité virtuelle, Microsoft prend le chemin inverse et vient d’annoncer l’abandon de sa couche système « Windows Mixed Reality » (WMR). Sous ce nom se cachent différentes technologies et applications visant à offrir des expériences de réalité mixe (réalité virtuelle + réalité augmentée) sous Windows et rendre l’écosystème applicatif Windows utilisable sous les casques de réalité virtuelle.

Nés en 2017 alors que Microsoft investissait dans ses hololens et imaginait des casques de réalité Mixte accessibles (notamment fabriqués par HP, Acer et Samsung) – qui à bien y regarder préfiguraient de façon très immature le Vision Pro d’Apple – , les casques WMR n’ont jamais trouvé leur marché. Depuis plus d’un an et le départ précipité de Alex Kipman (le papa des hololens), l’éditeur s’est en grande partie désintéressé du sujet, lui préférant des investissements dans l’IA : on n’entend plus parler d’un Hololens 3,  l’essentiel du Team MRTK (Mixed Reality Tool Kit) a été licencié début 2023, Paint3D est parti aux oubliettes, le système AltspaceVR racheté en 2017 a été abandonné en mars 2023… Bref, Microsoft a changé de stratégie préférant jouer des investissements dans l’open source (avec notamment OpenXR) et dans la plateforme Meta Quest (Microsoft Xbox Game Pass et la suite Microsoft Office 365 sont disponibles sur le Quest 3 depuis décembre).

Juste avant Noël, l’éditeur annonçait « À partir du 1er novembre 2026 pour les consommateurs et du 1er novembre 2027 pour les clients entreprise, Windows Mixed Reality ne sera plus disponible au téléchargement via l’application Mixed Reality Portal, Windows Mixed Reality pour SteamVR et Steam VR bêta, et nous cesserons d’en assurer le support. »

Si l’annonce est un peu surprenante, c’est parce qu’elle intervient quelque semaine avant le lance de l’Apple Vision Pro. Clairement les deux concurrents ne sont pas sur les mêmes stratégies et Microsoft semble penser que le marché de la VR augmentée ou MR n’est qu’une niche qui ne justifie pas d’aller concurrencer ni Apple, ni Meta.

Une longue liste de fonctionnalités abandonnées

Reste que l’abandon de WMR s’ajoute à une longue liste d’abandons annoncés tout au nom de l’année 2023. Microsoft prépare le terrain à Windows 12 et ne veut pas l’alourdir de technologies désormais inutiles à la majorité des utilisateurs. Un bon moyen d’opérer une bonne cure d’amincissement à un OS qui occupe près de 27 Go après son installation sur une machine neuve.

En effet en 2023, Microsoft a annoncé l’abandon de :

* AllJoyn : ce vieux protocole IoT, populaire entre 2013 et 2016 mais oublié depuis, a été retiré de Windows.

* Computer Browser : un vieux protocole Windows d’exploration des disques par les navigateurs Internet, un protocole désuet et surtout très mal sécurisé.

* Cortana : l’ancienne assistance conversationnelle de Windows, concurrente de OK Google, Siri et Alexa n’a jamais percé. Microsoft a officiellement annoncé l’abandon de cette technologie en juin dernier. Elle n’avait plus aucun sens alors que Microsoft insuffle désormais son IA Copilot bien plus évoluée au cœur de Windows.

* Mail & Calendar : les applications Courrier et Calendrier nés avec Windows 8 sont mises au rebut par Microsoft. Logique, l’éditeur veut en 2024 imposer son Outlook App universelle. On en reparlera dans l’année, c’est sûr.

* Microsoft Defender Application Guard : la fonctionnalité est aujourd’hui assurée par Microsoft Defender for Endpoint.

* Le Legacy Console Mode : qui assurait la compatibilité de vieux programmes 16 bit en ligne de commandes de l’époque MS-DOS, Windows 95, Windows NT et reposants sur la technologie « NT Virtual DOS Machine ».

* Steps Recorder : la fonction de support d’enregistrement des actions sous Windows, qui faisait doublon avec la fonction d’enregistrement d’écran de la Xbox Game Bar.

* Timeline : l’ancienne historisation des activités Windows avait déjà disparu avec Windows 11, mais quelques vestiges persistaient et sont désormais abandonnés.

* VBScript : on en a parlé au moment de l’annonce, l’ancien runtime qui permettait de créer et exécuter des scripts système en Visual Basic est retiré du système. La technologie était surtout populaire auprès des hackers et cybercriminels.

* UWP for ARM 32-bit : Imaginée à l’époque de Windows 8, la technologie UWP en version 32 bits n’a plus aucun sens sous Windows. Toutes les machines ARM de Windows, et elles ne sont déjà pas bien nombreuses, sont équipées de processeurs 64 bit depuis longtemps, et Windows 11 pour ARM n’existe qu’en 64 bit. L’abandon de cette version 32 bit – qui assurait une compatibilité avec les premières générations de tablettes Surface RT et ses Apps Windows 8 – paraît logique.

* WebDAV : Dans la lignée de l’abandon de Computer Browser, Windows se sépare de l’ancestral service Webclient WebDAV (Web Distributed Authoring and Versioning ) qui étendait le protocole HTTP pour lui adjoindre dss fonctionnalités de copie, déplacement, effacement de fichiers.

* WordPad : le traitement de texte gratuit intégré par défaut dans Windows depuis Windows 95 disparait lui aussi. Microsoft l’abandonne et c’est logique. Le gratuit Word Web App et l’App Microsoft 365 sont après tout bien plus évolués.

* Windows Speech Recognition : L’ancienne fonction de reconnaissance vocale de Windows faisait doublon avec la nouvelle fonctionnalité Voice Access aux IA bien plus récentes.

* WIP (Windows Information Protection) : la technologie DLP intégrée à Windows n’a jamais vraiment été utilisée à grande échelle. Peu pratique, elle est aujourd’hui totalement dépassée par Microsoft Purview.

La liste est longue mais elle n’est probablement close. Il est fort à parier que Microsoft va continuer de nettoyer son système d’applications et fonctionnalités qui ne sont plus ou très peu utilisées.

Et il y a de la marge. Le projet indépendant et alternatif « Tiny11 » de NTDev a ainsi démontré que Windows pouvait aisément subir une cure d’amincissement et passer de 27 Go à 8 Go en lui retirant plein de fonctionnalités très peu utiles.

Les pistes de recherche pour Windows 12

Le seul problème, c’est que retirer certaines couches ancestrales peut avoir des répercussions sur la compatibilité de Workloads ancestraux d’entreprise qui continuent de tourner et de faire tourner la production. L’une des pistes serait de faire en sorte que ces couches et applications ancestrales s’exécutent désormais dans le cloud plutôt que d’encombrer l’installation locale.

Microsoft travaille ainsi pour Windows 12 à une nouvelle fondation dénommée « CorePC ». Celle-ci permettrait une installation 60 à 75% plus compacte que Windows 11 SE (la version déjà allégée de Windows 11 pour le marché de l’éducation).
Les couches nécessaires à l’utilisation de vieilles applications non containerisées pourraient alors être téléchargées séparément pour en permettre l’exécution. Les applications historiques pourraient aussi être installées sur le Cloud et exploitées via une technologie de streaming d’applications similaires à celle proposée par App Stream 2.0 chez AWS.
Cela permettrait de garder l’installation de Windows locale la plus légère et économe, en ressource et en énergie, possible.

L’objectif est aussi pour Microsoft d’arriver à proposer des PC à des prix plus bas qu’actuellement sans que ces derniers ne paraissent trop poussifs comme c’est aujourd’hui le cas. En combinant processeurs ARM et Windows allégé, Microsoft pourrait renouer avec l’ère des PC à moins de 500 euros qui ne soient pas d’une lenteur affligeante.

On en saura évidemment plus dans le courant de l’année 2024 alors que la nouvelle équipe à la tête de Windows depuis le départ de Panos Panay ajuste et peaufine sa vision pour un Windows plus léger et repensé pour l’IA…

 

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