Il s’appelle Frontier, il est américain, et il restera dans l’Histoire comme le premier supercalculateur Exascale à entrer dans le très sérieux classement TOP500.org des ordinateurs les plus puissants de la planète. Avec lui, c’est toute l’informatique mondiale qui entre dans l’ère exascale…

Best-Of « Eté 2022 »

Cet été, InformatiqueNews republie certains des papiers qui ont connu une très forte audience durant le premier semestre 2022.
Cet article revient sur un événement marquant pour l’informatique : la première apparition en tête du TOP500 d’un ordinateur exaflopique. La publication en mai dernier du dernier classement Top500.org a ainsi officialisé l’entrée de l’informatique dans l’ère exascale!
Une étape clé dont l’importance n’a pas échappé à nos lecteurs.
Depuis la publication de cet article le 31 mai dernier, l’Europe a réagi en annonçant le financement de la construction prochaine de deux ordinateurs exaflopiques dont le premier, le JUPITER, entrera en fonction en 2024 si tout va bien. Il sera installé au centre de recherche FZJ de Jülich en Allemargne. Le second monstre exaflopique européen n’a pas encore été dévoilé même si sa destination semble déjà toute trouvée : sauf surprise, il devrait être hébergé en France au TGCC (Très Grand Centre de Calcul) du CEA à Saclay.

 

Frontier… L’histoire de l’informatique retiendra que le premier ordinateur à franchir la frontière de l’Exascale est américain, qu’il est conçu par HPE/Cray et qu’il est animé par des processeurs AMD. Ce qu’elle oubliera cependant peut-être de noter dans ses tablettes, c’est que non seulement le nouveau HPC trône bien évidemment en tête du classement TOP500.org mais qu’il figure également à la première place du classement Green500.org qui classe les ordinateurs les plus efficients (rapport puissance/énergie consommée).

Frontier… 1,102 Exaflops… soit 1.102.000.000.000.000.000 opérations en virgule flottantes (sur 64 bits) par seconde !

« Frontier n’est pas seulement le superordinateur le plus puissant qui ait jamais existé, c’est aussi la première véritable machine exascale de l’histoire de l’informatique » expliquent les responsables du classement TOP500.org qui deux fois par an classe les HPC, autrement dit les supercalculateurs, les plus puissants de la planète.
Frontier est, à quelques opérations près, trois fois plus puissant que le Fugaku japonais qui trônait en tête du classement TOP500.org depuis deux ans !

Frontier, le premier ordinateur ExascaleFrontier… C’est 8.730.112 cœurs de calcul ! La machine est en réalité composée de 9.472 nœuds regroupés en 74 armoires. Elle compte au total 9.472 processeurs AMD Epyc 7003 dotés de 64 cœurs chacun cadencés à 2 Ghz et de 37 888 accélérateurs GPU AMD Instinct MI250X « Aldebaran » (dotés de 220 Compute Unit chacun).
Les nœuds sont interconnectés par des liens 200 Gb/sec (Slingshot Ethernet Interconnect).

La machine est hébergée dans le gigantesque Datacenter du Oak Ridge National Laboratory (ORNL) situé à Knoxville dans le Tennessee. Elle est officiellement opérée par le DDE (le Département de l’Énergie américain). Elle s’appuie sur une architecture HPE Cray EX (rappelons que HPE a racheté Cray en 2019). Elle est optimisée pour les calculs scientifiques et l’IA (grâce à ses accélérateurs MI250X).

Puissant et « Econome »…

Mais le plus surprenant, c’est que Frontier est aussi le premier HPC à figurer à la fois en tête du TOP500 et du GREEN500. Si le TOP500 répertorie les HPC les plus performants de la planète, le GREEN500 classe quant à lui les HPC en fonction de leur efficacité énergétique. Et, c’est un point au final remarquable, l’ordinateur le plus puissant de la planète est aussi l’ordinateur le plus efficient de la planète. Ainsi Frontier affiche un score de 52,227 Gflops/watts contre seulement 15,418 Gflops/watts pour le Fugaku japonais (classé 33ème du Green500).

Frontier le HPC le plus puissant et le plus efficientIl est intéressant de noter que Frontier figure en réalité aux deux premières places du Green500. En effet, l’ORNL a publié non seulement les performances du système Frontier tel qu’il est actuellement (le système est encore en cours d’optimisation), mais aussi celle du Frontier TDS (Test & Development System).

Le TDS est en réalité un seul rack du Frontier sur lequel sont expérimentées différentes optimisations et scénarios d’interconnexion. Sur le papier, ce rack est strictement identique aux autres Racks du Frontier. Dans la pratique, il bénéficie d’optimisations qui sont d’abord expérimentées et validées sur le TDS avant d’être étendues aux autres racks.

Et ces optimisations font une grande différence. En effet, la dernière itération du TDS se révèle encore plus « Green » avec un score de 62,684 Gflops/watts ! Les responsables de l’ORNL estiment qu’avec le temps, le Frontier se montrera non seulement plus efficient mais aussi plus performant puisqu’à plein régime la machine devrait pouvoir approcher les 2 Exaflops.

Evolution des HPC de l'ORNL

Evolution des HPC de l’ORNL du Phoenix (2004) au Frontier (2022)…

L’Europe revient dans la course…

Si bien évidemment l’entrée des USA dans l’ère exaflopique avant les Chinois est l’information essentielle de ce TOP500.org, une autre information mérite toute notre attention.

L’Europe fait une entrée très remarquée dans le TOP 3 du classement TOP500.ORG! En effet, le LUMI installé au centre EuroHPC du CSC en Finlande et nouvellement inauguré, vient voler la troisième place du podium au célèbre SUMMIT américain (conçu par IBM à base de processeur Power 9 et de GPU NVidia V100).

On notera au passage les grandes ressemblances entre LUMI et Frontier. Tous deux sont conçus par HPE Cray, tous deux sont animés par des CPU AMD Epyc 64 cœurs et des GPU MI250X. Mais le LUMI est néanmoins largement moins ambitieux que le monstre américain. Il comporte 8 fois moins de cœurs (1 110 144 cœurs de calcul) et affiche une puissance de 151 PetaFLOPS (contre 1 102 PetaFLOPS pour Frontier).

Par ailleurs, l’Europe place un second un HPC dans le TOP 10 : Il s’agit du nouveau HPC français, le Adastra, situé dans les datacenters du GENCI (Grand Équipement National de Calcul Intensif) au Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur. Là encore, l’Adastra est une machine HPE Cray à processeurs AMD (CPU Epyc 64 cœurs et GPU MI250X). Avec 319 072 cœurs au total, la machine affiche une performance de 46,10 PetaFLOPS et se classe 10ème.

On notera tout de même que le LUMI se situe en troisième position du GREEN500 (derrière le Frontier TDS et le Frontier) avec un score de 51,628 Gflops/Watts juste devant l’Adastra en 4ème position avec son score de 50,028 Gflops/Watts.