Pour certains, le terme numérique est une « erreur pour l’intuition », pour beaucoup, il constitue le Graal que doivent poursuivre toutes les entreprises si elles ne veulent pas disparaître.

Au-delà du débat sémantique dont les conséquences avancées par certains spécialistes sont sans doute exagérées[1], le Gartner considère que la transformation numérique des entreprises passera par la transformation de chacun de ses métiers qui deviendront de véritables startups technologiques. Le Gartner définit l’entreprise numérique comme une nouvelle forme d’organisation associant les mondes physiques et virtuels dans un espace commun. Dans cette transformation, l’Internet des objets jouera un rôle important et permettra des changer les processus. « Cette année, les entreprises, en particulier industrielles, vont dépenser plus de 40 milliards de dollars pour la conception, l’implémentation et la mise en œuvre de l’Internet des objets, indique Peter Sondergaard, Senior Vice President du Gartner. Chaque composant de matériels, de machines va incorporer des capteurs les transformant ainsi en objets connectés ».

L’économie numérique change tout, en particulier le statut et la place de la DSI dans l’entreprise. « 38 % des dépenses IT s’effectuent en dehors de la DSI avec une part importante pour le numérique, estime le Gartner. En 2017, cette proportion dépassera les 50 %. Les startups numériques se développent dans les entreprises et s’installent dans tous les métiers : marketing, ventes, RH, logistique… ». A l’inverse, plus de la moitié des commerciaux des sociétés d’IT s’adressent directement aux métiers et non aux DSI. D’ailleurs, si les budgets informatiques sont en berne – la croissance moyenne entre 2014 et 2015 est évaluée à 1 % – le Gartner considère qu’une part de plus en plus grande de l’innovation numérique sera financée en dehors de la DSI.

Une sorte d’IT bimodale se met en place dans les entreprises. La première est l’IT traditionnelle et les systèmes dont elle a la charge doivent être fiables, prédictifs et offrir un niveau de sécurité élevé. La seconde est non séquentielle, met l’accent sur l’agilité et la vitesse pour faire la différence et donner un l’entreprise un avantage concurrentiel.

Mais cette dualité de l’approche et des objectifs ne s’applique pas seulement à la DSI mais aussi à l’entreprise toute entière. Jean-Louis Blanc, chargé de l’innovation et des nouveaux métiers chez GDF Suez l’indique assez clairement en expliquant qu’il s’agit de « concilier deux modes d’organisation très différents, l’un structuré, stratégique et fort de son historique, l’autre plus immédiat, réagissant dans l’instant. Les uns ont besoin des autres. Il faut donc créer une structure qui convient aux deux, qui favorise le développement sans étouffer ! »[2]

Dans cette évolution profonde, les DSI ont une opportunité unique de devenir les leaders de ce changement numérique. Une enquête auprès de 2800 DSI réalisée par le Gartner montre que 75 % d’entre eux ont besoin de changer de type de « leadership » dans les 3 ans à venir pour espérer obtenir ce statut. « Pour saisir les opportunités qu’offre le numérique, des améliorations incrémentales ne sont pas suffisantes, affirme Dave Aron, vice president du Gartner. La transformation numérique n’est plus un simple sujet de présentation mais c’est devenu une question centrale qui bouleverse tout ».

Près de 9 DSI sur 10 considèrent que si le numérique constitue une formidable opportunité, il engendre également de nouvelles formes de risques, plus élevés que par le passé. Et trop souvent, la gestion du risque ne correspond pas à cette évolution et ne répond plus aux besoins actuels. Les DSI sont-ils armés pour face à ce nouveau défi ? Pour répondre aux contraintes de l’IT traditionnel, les DSI ont développé des comportements et des croyances au fil des ans qui ne sont pas vraiment adaptés aux nouveaux enjeux et au numérique.

D’abord, beaucoup d’entreprises pensent toujours l’innovation en termes technologique, déplore le Gartner. Ce que le cabinet de conseil baptise de leadership numérique concerne un changement fondamental d’approche qui veut désormais que toute solution soit portée sur le cloud, conçue pour la mobilité, hautement contextualisé, capable d’exploiter les données non structurées. Toujours selon le Gartner, les DSI se sont trop focalisés sur ce qui est facilement mesurable, notamment les coûts, plutôt que sur ce qui apporte de la valeur comme construire de nouvelles potentialités grâce au numérique. Ils doivent évoluer d’une approche fondée principalement la précision, la discipline et le contrôle vers une orientation qui fait une part plus importante à la vision, à la création et à l’inspiration.

Les DSI sont conscients de cette nécessaire évolution. Trois sur quatre indiquent qu’ils ont changé ces trois dernières années et ils sont tout aussi nombreux à considérer qu’ils devront entreprendre un changement aussi important dans les trois années à venir.

Le Gartner a découvert que les DSI les plus efficaces et les plus performants sont ceux qui passent le moins de temps à gérer l’infrastructure de leur système d’information. Ils libèrent ainsi de leur temps pour s’intéresser à des questions qui génèrent plus de valeur telles que la participation au comité de direction, le développement d’une nouvelle expérience des clients.

 

Les compétences les plus recherchés dans le numérique selon le Gartner

Aujourd’hui
– Mobile
– Expérience utilisateurs
– Science des données 
D’ici à 3 ans
– Machines intelligentes
– Robotique
– Aide à la décision
– Ethique
A plus long terme
– Spécialistes de l’intégration
– Architecte numérique
– Analyste réglementaire
– Expert en risques

 

 

Pour aller plus loin
Numérique ou informatique, il faut choisir
– L’informatique au service du numérique et de l’innovation
– L’informatique est morte, vive le numérique !
– Vers l’école numérique
– La sécurité, talon d’Achille de la transformation numérique, Eric Soares, Symantec
– Transformation numérique et entreprises : peut mieux faire !
– La réforme territoriale, accélérateur du numérique ?
– Pas de transformation numérique sans gouvernance
– La transformation numérique des RH en marche
– Oui à une « République numérique » ambitieuse et concrète, à court-terme, Le Collectif du Numérique

 

[1] « La mode de « numérique » n’est qu’une des manifestations de la mollesse d’un pays où il fait si bon vivre, et se laisser vivre, que rares sont ceux qui ont le courage de penser ». Michel Volle, « Numérique », impasse pour l’intuition

[2] « Les entreprises s’essaient à l’esprit start-up » – Le Monde – Mardi 7 octobre