Un scénario  (plus?) catastrophique est peu probable

L’ensemble terminera t-il  dans l’escarcelle d’un autre acteur, américain ou chinois cette fois-ci ? Ce scénario catastrophe est peu probable et rares sont les constructeurs hormis Cisco , Huawei ou peut-être Arista qui seraient prêts à débourser plus de 25 milliards pour s’offrir l’un des piliers des télécoms mondiales.

Pour Michel Combes, cette vente s’avère être un vrai soulagement qui lui permettait de sourire en quittant l’Elysée le jeudi 15 lors d’une visite éclair d’une quarantaine de minutes avec le PDG de Nokia. « Nous avons eu des périodes difficiles, mais maintenant nous sommes l’une des briques de ce qui deviendra un géant de la technologie mondiale, » a t-il dit sur Europe-1. « Nokia est en train de devenir aujourd’hui le leader des réseaux de télécommunications grâce à Alcatel-Lucent. »

 

Les parts de marché telecom en 2014 selon le bureau d’étude Gartner avec le  « nouveau CA » des deux européens associés
% du marché Revenus en milliards de dollars
Ericsson 17,7 29,9
Alcatel-Lucent+Nokia 16,9 28,6
Huawei 16,1 27,2
Alcatel-lucent 8,7 14,7
Nokia 8,2 13,9
Cisco 5,6 9,5
ZTE 5,1 8,7
NEC 2,7 4,6
Samsung 1,9 3,2
Accenture 1,9 3,2
IBM 1,8 3,1

 

Le siège de Nokia restera en Finlande avec « une forte présence en France », a déclaré Rajeev Suri, le PDG de Nokia, qui s‘est montré optimiste sur la reprise. Cette opération «est tout le contraire d’un affaiblissement industriel de la France», selon Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement. On peut en douter. « L’airbus des télécoms » aura déjà sur la même piste d’envol un autre européen, le suédois Ericsson qui pèse aussi environ 25 milliards d’euros de valeur boursière avant même d’affronter les chinois Huaweï et ZTE qui ont littéralement asphyxié Alcatel-Lucent.

 

Tout va trés bien, madame la marquise

Les clients, les opérateurs, seraient en train de remettre à jour leurs infrastructures pour mieux gérer les données sur les mobiles. «La moitié des entreprises de télécommunications envisagent des acquisitions dans les 12 prochains mois, on peut s’attendre à davantage d’activité dans le secteur« , a déclaré Pip McCrostie, vice-président mondial de Transaction Advisory Services du cabinet de conseil EY. Plusieurs journalistes américains ont d’ailleurs précisé que c’est un gros contrat entre Nokia et l’opérateur américain Sprint qui avait accéléré le processus de rachat. Sprint était prêt à signer un trés gros contrat avec le finlandais si les équipement d’accès IP d’Alcatel faisaient partie du Deal avec une garantie de Nokia sur l’ensemble. Après avoir envisagé une cession partielle, Alcatel et Nokia ont compris qu’elles pouvaient éviter des affrontements et devenir parfois incontournables.

Déjà, la banque Morgan Stanley avait depuis des mois concocté pour son client Nokia des analyses de rachats dans l’industrie Télécom, en partie grâce aux 5,4 milliards de dollars de cash disponibles à la suite de la revente de sa division mobile à Microsoft, le 3 septembre 2013. On parlait beaucoup de Juniper comme cible prioritaire de Nokia, il n’y a pas six mois. Depuis que Morgan Stanley avait aussi garanti le prêt d’Alcatel sur la base de ses 29 000 brevets, on se doutait que la banque attendait un feu vert pour marier ses deux clients.

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Lorsque le nouveau directeur financier, Jean Raby, ancien directeur associé de la banque Goldman Sachs, est arrivé, les syndicats français ont crié au loup. La direction à l’annonce de la fusion avec Nokia « qui s’effectuait à partir du Texas » n’a pas beaucoup réagi.

Alcatel-Lucent, qui a subi des cycles répétés de restructuration depuis la fusion avec Lucent Technologies en 2006, s’était familiarisée avec les plans de rigueurs. Le dernier en cours, le plan Shift, est le cinquième depuis la fusion avec Lucent ( ci-dessous un plan des sites en 2013 , à l’époque la firme employait en France 8300 personnes). Mais les analystes ont averti que la simple réunion des opérations entraînerait probablement des licenciements et des réductions de coûts. 3493849_6_89e8_les-sites-alcatel-lucent-en-france-en-2013_be501281d6a27bac8c01ea712e711c7aMême si la firme a promis de ne pas licencier en France pendant deux ans soit avant les élections de 2017. Nokia a clairement déclaré qu’il vise pourtant à réaliser des économies de 900 millions d’euros en « synergies de coûts d’exploitation » d’ici »2019 et quelques 2 milliards d’euros de réductions de charges d’intérêts par an d’ici 2017. Autant dire qu’après les élections de 2017, les bureaux d’Alcatel vont rétrécir !

Dans la presse US, Rajeev Suri, déclarait froidement : « l’accord sur l’emploi de deux ans était nécessaire pour avoir l’accord du gouvernement français.»

A l’époque de la fusion avec l’américain en 2006, Alcatel était déjà théoriquement le numéro 2 mondial des équipements Télécom. Avec 60 % dans le nouveau groupe, Alcatel avait théoriquement les moyens, selon les syndicats, de conserver un potentiel productif en Europe et en France. Mais les marchés en développement et les acheteurs dans les dernieres années se sont révélés plutôt asiatiques et américains qu’Européen et c’est ce qui a favorisé une forme de prise de pouvoir par les américains et le glissement dans les bras des banques comme Goldman Sachs.