Les chiffres d’Alcatel Lucent

Selon Alcatel, la répartion récente était la suivante. Ses produits et services sont vendus depuis l’Amérique du nord : 44 %, Asie-Pacifique : 20 %, Europe : 23 %, reste du monde : 13 %). Rappelons qu’Alcatel Lucent aura mis à la porte avec le plan Shift en trois ans plus de 10 000 employés ( 600 en France) et enregistré l’année dernière une perte nette de 118 millions d’euros et cela après des années de pertes au-dessus du milliard pour un chiffres d’affaire de 13/14 milliards. Celui-ci n’avait cessé de régresser suite à la vente successive de différentes filiales.

Un contexte de ralentissement

Oubliées les promesses d’un Philippe Keryer, directeur de la stratégie et de l’innovation d’Alcatel-Lucent qui était l’an passé chef de projet du plan « Souveraineté télécoms » du gouvernement, au titre de l’un des 34 plans industriels lancés par Arnaud Montebourg. Il aurait fallu plus de fonds car Nokia avec un chiffre d’affaires inférieur et des dettes aussi importantes n’était pas tellement en meilleur état qu’Alcatel. Nokia va cependant créer un fonds de financement des startups de 100 millions d’euros en France.

20 ans de diminutions de périmètres budgetaires

Auparavant Serge Tchuruk, le principal patron après l’ère Suard avait déjà vendu, pierre après pierre, bâtiments et usines, pour « recentrer l’entreprise » sur ses fondamentaux et réaliser l’entreprise de rêve sans usines, la « fabless », une notion en vogue au début des années 2000. Rappelons qu’Alcatel-Alsthom était en 1993 la première capitalisation boursière de la place de Paris. Le titre, qui avait coté 913 francs en janvier 1994, s’était effondré à 358 francs au départ de Pierre Suard, à la suite de son contrôle judiciaire, dix-huit mois plus tard. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque, les actionnaires s’étant révoltés devant tant de mystères de la part d’un comité de direction plutôt discrêt sur ses méthodes. La séparation avec Alstom en 2001 aussi engendra de multiples réflexions sur les industries traditionnelles face aux firmes poussées par l’internet. A la fin avril 2015, un an après la reprise en main Alstom par General Electric, c’est donc au tour d’Alcatel d’entrer dans l’obscure forêt des entreprises française disparues. Disparus à jamais Peychiney, Usinor, Lafarge ? Michel Combes, le dernier PDG du groupe français qui se targue d’avoir remonté la pente, à force d’élaguer les branches fragiles, a vendu le grand tronc d’Alcatel à Nokia, l’ex spécialiste du bois et du papier. Le PDG actuel justifie le fait que le pilotage du nouvel ensemble soit confié à la direction actuelle de Nokia en raison du désastre sur le plan opérationnel de la fusion précédente entre Alcatel et Lucent. « J’ai vu l’impossibilité d’une direction bicéphale avec l’expérience de  Serge Tchuruk et Patricia Russo à la fusion de Lucent et d’Alcatel ». Début avril, la société employait environ 52 600 salariés, incluant 20 000 ingénieurs de recherche développement.

Alcatel-Lucent était jusque-là organisé en 2 segments principaux après s’être séparé de nombreuses structures, la dernière:

  • Le segment cœur de réseau, avec 3 divisions : routage IP, transport IP et plateformes IP.

Le segment accès, avec 4 divisions : réseaux mobiles, accès fixe, revenus de licences et services gérés. L’anglais, « la langue des affaires » était la seule autorisée en réunion, ce qui ne manquait pas de sel, lorsque tous les présents étaient français.

L’avis d’un économiste international 

Cité par Boursorama, Alain Trannoy, le directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Marseille, agrégé et docteur d’Etat en économie, dans un article intitulé « la défaite en chantant  » dénonçait une forme d’aveuglement: « La sidération est rehaussée du fait que cette perte de substance est annoncée de gaité de cœur, à la fois par le PDG actuel de l’entreprise, comme s’il était soulagé d’un fardeau, et par le gouvernement, que l’on n’a connu plus sourcilleux dans d’autres occasions très récentes et qui proclame que l’on va créer un champion européen. L’auteur de ses lignes a des convictions européennes très affirmées, mais il ne voit pas en quoi cette assertion est vraie. Le champion finlandais emploiera 110 000 personnes dans le monde dont…6000 en France. Les intérêts français pèseront 5% dans le nouvel ensemble ! La nouvelle entreprise s’appelle Nokia, elle a son siège en Finlande et, à ce que je sache, et il s’agit bien d’une absorption pure et simple .» Le nouveau groupe a promis «d’augmenter de 25%» les activités de recherche et développement en France, en embauchant «500 chercheurs de plus», pour les faire passer à 2.500., certainement un atout lié à la loi sur les réductions d’impôts liées à la recherche. Que peut on reprocher  à l’état ? de n’être pas intervenu au bon moment ? Avant que la banque Morgan Stanley ne jette son filet sur Alcatel ? Elle avait fait déjà l’objet de tant de dépenses durant des années que le syndrome Bull était dans les pensées de tous les élus. De plus, lorsque les actionnaires sont majoritairement étrangers et que les succès commerciaux sont souvent à attribuer aux vendeurs et aux marchés US, comment parler de nationalisme industriel ? Le PDG, Michel Combes ? Il a fait son travail, a sorti la firme de l’ornière et n’a pas voulu de son parachute doré, le matelas d’actions lui suffisant. On serait presque tenté de dire « tout est bien qui finit bien », mais ce n’est pas le cas. Pour les milliers d’ingénieurs et de techniciens qui avaient fait de leur vie avec Alcatel une vraie bataille française, le sentiment d’amertume et parfois de rage sera long à effacer.

Qui est  Nokia?

Nokia, qui a commencé comme un fabricant de papier et de bottes en caoutchouc en 1865, s’est transformé en une entreprise d’électronique avant de devenir un innovateur dans l’industrie du sans fil et le premier fabricant mondial de téléphones portables au début des années 2000. Mais il a rencontré un »os  » lorsqu’Apple a lancé l’iPhone en 2007  et a aussi été incapable de rivaliser avec tous les fabricants de mobiles exploitant le système d’exploitation Androïd de Google avec en particulier les combinés les moins chers en provenance d’Asie. Résultat, la firme avait revendu son activité mobiles pour près de 5,4 milliards à Microsoft . Elle emploie 66 000 personnes dans le monde et à réalisé 12,732 miliards d’euro de Ca en 2014 avec un résultat net de 1,17 milliards d’euros. Rajeev Suri,, était le responsable de la plus grande division qui restait, il est devenu de ce fait le patron. Comparativement, donc, Alcatel pour l’année 2015 annoncait 13,933 millard d’euros avec un résultat net de 321 millions mais avec seulement 53 000 personnes dont 6000 en France.