Entre potentiel disruptif et enjeux stratégiques, l’informatique quantique marque une étape décisive dans le paysage technologique mondial, promettant des avancées significatives à travers des investissements ciblés et une recherche dynamique. Voici 4 usages déjà en expérimentation de l’informatique quantique.

Tout comme leurs équivalents plus conventionnels, les ordinateurs quantiques sont conçus pour résoudre des problèmes à fort impact et peuvent s’imposer comme de véritables « catalyseurs de solutions ». Leur atout majeur, qui est aussi la manière dont ils se différencient, réside dans leur potentielle capacité à emprunter des raccourcis et à dénouer en peu de temps des énigmes dont la résolution réclamerait normalement des millénaires, voire des millions d’années, même avec les ordinateurs les plus sophistiqués et les plus puissants dont nous disposons aujourd’hui.

L’informatique quantique a vu le jour dans le secteur de la recherche : les prototypes ont été construits dès le début des années 2000 dans les laboratoires de physique universitaires. Ce n’est lorsque les acteurs les plus visibles du secteur informatique ont annoncé leur intention d’en concevoir que d’autres communautés s’en sont émues, parmi lesquelles celle des investisseurs.

Bien que ce secteur en soit encore aux étapes de recherche et de développement, des applications concrètes sont déjà envisagées, certaines étant même en cours de test. Il faut en effet souligner que l’informatique quantique recèle un fort potentiel en matière d’innovation de rupture et de transformation de certains marchés. C’est pourquoi il est crucial que les gouvernements et les entreprises s’y intéressent au plus vite, au risque d’arriver trop tard et de voir ceux qui ont été les premiers à investir dans ce domaine en récolter tous les bénéfices.

À quoi ressemble un ordinateur quantique à l’heure actuelle ?

Les ordinateurs quantiques, en leur état actuel, rappellent fortement les premiers ordinateurs à tube à vide. Ils se matérialisent sous la forme d’une salle aux dimensions réduites, remplie de divers composants électroniques et de câbles. À ce jour, ils sont encore indissociables de leurs opérateurs, dont la tâche consiste à faire fonctionner l’ordinateur, à mener les opérations nécessaires à leur bon fonctionnement. Il s’agit en effet d’une machine physique au sein de laquelle le calcul s’effectue sur une puce. Celle-ci doit être refroidie à des températures extrêmement basses, ce qui nécessite des dispositifs dédiés et d’autres équipements de contrôle électronique.

En investissant dans ce domaine, les instituts de recherche, les organismes publics et privés confèrent à cette technologie un important potentiel de développement et d’amélioration dans les mois et les années à venir. Les perspectives en matière de miniaturisation et de mise à l’échelle sont immenses.

Pourquoi la recherche sur l’informatique quantique est-elle importante ?

La France voit la technologie quantique comme un domaine susceptible d’engendrer des transformations majeures, y compris sur le plan économique. Le gouvernement a reconnu que l’absence de positionnement dans ce domaine au cours des cinq à dix prochaines années entraînerait une perte significative de souveraineté, notamment face aux pays qui investissent massivement.

Dans un contexte de forte concurrence internationale, la majeure partie des financements du plan quantique français sera consacrée à la recherche. En 2021, le gouvernement a en effet dédié 1,8 milliard d’euros sur cinq ans aux centres de recherche, aux start-ups et aux groupes industriels, avec pour objectif de former plus de 150 jeunes chercheurs chaque année. Avec cette approche, le gouvernement s’inspire des mesures déployées depuis quatre ans dans le cadre du Plan Intelligence Artificielle.

Les pistes concernant l’utilisation de ces technologies sont nombreuses et variées, et concernent de nombreux secteurs d’activité :

Cas d’usage n° 1 : la chimie

L’informatique quantique peut optimiser le développement d’applications dans certains secteurs de l’industrie chimique. Actuellement, dans ce domaine, les molécules sont soumises à des tests physiques via un processus qui s’avère non seulement long et onéreux, mais également loin d’être parfait.

Or, une prédiction précise des caractéristiques des molécules est susceptible d’en accélérer la conception. L’informatique quantique est actuellement utilisée pour simuler avec précision ce qui se produit au niveau moléculaire et obtenir une compréhension complète des interactions complexes entre deux molécules, y compris leur vitesse de réaction.

L’informatique quantique pourrait ainsi ouvrir la voie à l’élaboration de meilleurs matériaux, tels que des batteries plus légères, plus compactes, plus sûres et dotées d’une grande autonomie, ou encore des cellules solaires plus efficaces et performantes.

Voici quelques exemples de recherches en cours dans ces domaines :

* Automobile : Ford, Mercedes-Benz, Hyundai et Toyota font des recherches pour modéliser les matériaux pour les batteries des véhicules électriques de la prochaine génération.

* Solaire : Oxford Photovoltaics Limited, une entreprise née de l’Université d’Oxford spécialisée dans le photovoltaïque et les cellules solaires en pérovskite, travaille à l’association de la pérovskite — un semi-conducteur minéral à base de calcium — à des cellules solaires traditionnelles en silicium dans le but d’en améliorer l’efficacité et les performances.

Cas d’usage n° 2 : l’industrie pharmaceutique

L’autre cas d’usage le plus prometteur des ordinateurs quantiques est la simulation de molécules en vue d’identifier celles qui pourraient se révéler être des médicaments efficaces.

L’industrie pharmaceutique se présente ainsi comme un candidat idéal. En effet, les molécules, y compris celles susceptibles d’être utilisées comme médicaments, sont en réalité des systèmes quantiques, dans la mesure où elles reposent sur la physique quantique. Alors que l’informatique classique ne peut prédire et simuler avec précision la structure, les propriétés et le comportement des molécules, la technologie quantique devrait, quant à elle, permettre de le faire.

Cas d’usage n° 3 : l’optimisation logistique

Les ordinateurs quantiques sont très performants pour résoudre toutes sortes de problèmes d’optimisation. Ils se présentent véritablement prometteurs pour la gestion du trafic des véhicules autonomes, les embouteillages ou les temps d’attente.

Volkswagen a ainsi présenté en 2019 le premier système de gestion du trafic en temps réel basé sur l’informatique quantique. Lors de cet essai, des bus à Lisbonne, au Portugal, ont été utilisés pour prédire les volumes de trafic et déterminer les itinéraires optimaux afin de minimiser le temps d’attente des passagers et le temps de trajet, tout en évitant les embouteillages et en rendant la circulation aussi fluide que possible.

En parallèle, BMW explore actuellement le potentiel de l’informatique quantique pour diverses applications, notamment l’optimisation des flux de circulation.

En comparaison, les ordinateurs traditionnels demandent trop de temps pour trouver les solutions adéquates, en raison de la multitude et la complexité des paramètres à considérer (taille de l’infrastructure, nombre de passagers, marchandises à transporter), alors que cette problématique nécessite des réponses instantanées, quasi en temps réel.

Cas d’usage n° 4 : la finance

L’optimisation des portefeuilles financiers consiste à élaborer une sélection d’actifs et à leur attribuer des pondérations spécifiques dans le but d’atteindre un objectif précis : minimiser le risque tout en maximisant le rendement de l’investissement. Bien qu’il existe de nombreuses méthodes pour modéliser cet objectif, la méthode la plus couramment utilisée est celle qui repose sur la théorie moderne du portefeuille.

Cependant, même avec celle-ci, les ordinateurs traditionnels ne sont pas seulement limités dans leur capacité à trouver la solution optimale mais ils le sont aussi lorsqu’il s’agit de déterminer si une solution donnée l’est réellement. Les ordinateurs quantiques devraient ici encore pouvoir accélérer considérablement la recherche de solutions.

Même s’il reste du chemin à parcourir, des cas d’usages concrets et prometteurs se dessinent déjà. Sur la base d’investissements publics et privés, de nombreux acteurs de l’industrie quantique se sont attelés à venir à bout des limites rencontrées actuellement. Ils s’efforcent notamment d’atténuer « le bruit quantique » et les erreurs qui en résultent pour donner naissance à des systèmes plus fiables et plus utiles. L’effervescence du secteur promet ainsi des avancées rapides et significatives.

La question n’est plus de savoir si la technologie quantique se développera, mais comment la favoriser et l’accélérer. Dans un monde marqué par les affrontements commerciaux et géopolitiques, personne ne souhaite être laissé pour compte, et il est indéniable que le gouvernement français fait preuve d’ambition en la matière.
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Par Jan Goetz, PDG de IQM Quantum Computers

 

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