L’informatique quantique est sur le point de révolutionner l’industrie pharmaceutique et chimique, en lui offrant la possibilité de simuler des réactions moléculaires avec une précision inégalée. Encore faut-il être en mesure d’en relever les défis…

L’informatique quantique, autrefois reléguée aux confins de la science-fiction, est désormais à portée de main. Si certaines industries demeurent prudentes face à ses promesses, les secteurs chimique et pharmaceutique voient en elle une opportunité inestimable : celle de concevoir des médicaments révolutionnaires et des matériaux respectueux de l’environnement. 

Ces deux secteurs pourraient être les premiers à bénéficier du plein potentiel de cette technologie. Mais les acteurs de ces deux industries sont-ils prêts pour cette révolution, et quelles transformations pouvons-nous anticiper ? 

Modélisation moléculaire : vers une précision inégalée 

La clé de la découverte de nouveaux médicaments et produits chimiques repose sur la compréhension des réactions entre différents matériaux et catalyseurs. Si autrefois le laboratoire était le seul terrain de jeu, aujourd’hui, la conception assistée par ordinateur et la modélisation moléculaire se sont imposées comme un outil indispensable pour les scientifiques, pour simuler ces interactions, accélérant ainsi la découverte de nouveaux composés. 

Toutefois, les supercalculateurs actuels présentent leurs premières limites en matière de précision. Pour réaliser des simulations, les chercheurs sont souvent contraints de simplifier certains paramètres, compromettant ainsi leur exactitude. De ce fait, de nombreuses réactions chimiques nécessitent toujours une vérification expérimentale, ce qui prend manifestement du temps.  

Là où l’informatique classique peine, l’informatique quantique excelle. Grâce à cette nouvelle technologie, il sera possible de simuler les interactions quantiques entre différents atomes, offrant une compréhension profonde des phénomènes naturels. Les ordinateurs quantiques pourront gérer ces interactions complexes, aboutissant à des simulations plus précises et accélérant la découverte de nouvelles interactions chimiques. 

Contrairement à d’autres secteurs, où le débat persiste sur les avantages du quantique par rapport à l’informatique classique, il est largement admis que les ordinateurs quantiques excelleront dans ce type de simulations. Par exemple, le géant chimique allemand BASF a investi dans des startups de calcul quantique et a formé un consortium avec neuf autres sociétés allemandes pour explorer ses applications industrielles. Ford de son côté, étudie comment le calcul quantique peut identifier les matériaux pour les prochaines batteries de voitures électriques. Alors que Roche a lancé une force opérationnelle quantique pour la biomédecine. 

Vers une compétition plus équilibrée 

Dans l’industrie pharmaceutique, chaque découverte est le fruit d’investissements colossaux, d’efforts incessants et d’une expertise de pointe. Mais aujourd’hui, le calcul quantique se présente comme le catalyseur d’une transformation radicale, promettant d’accélérer la recherche tout en réduisant ses coûts. 

Avec l’avènement de plateformes telles qu’AWS, l’ère du quantique transcende les frontières traditionnelles. Là où autrefois se dressaient des barrières financières et technologiques, le cloud offre désormais un accès démocratisé à la puissance du calcul quantique. Ce n’est plus une question de capital, mais de capacité. Les entreprises, qu’elles soient des start-ups innovantes ou des institutions académiques, peuvent désormais rivaliser sur un pied d’égalité avec les géants de l’industrie. En offrant à chacun la possibilité d’exploiter cette technologie révolutionnaire, nous ouvrons la voie à un élan de l’innovation et à une compétition plus équilibrée. 

Quantique et éthique : des frontières à définir 

Il est possible que l’adoption de médicaments élaborés via la technologie quantique rencontre une certaine réticence. À l’image de ce que nous observons avec l’émergence de l’IA générative, les nouvelles technologies suscitent souvent méfiance et scepticisme, alimentés par effervescence médiatique et inquiétudes fondées. 

Il convient de rappeler que tout médicament conçu grâce à l’informatique quantique sera soumis aux mêmes protocoles, contrôles et validations par des organismes régulateurs tels que l’Agence Européenne des Médicaments, à l’instar de tout médicament actuellement développé. Le risque d’effets secondaires persiste, car les ordinateurs quantiques ne prévoient pas l’interaction d’une molécule avec l’ensemble des systèmes qu’elle pourrait toucher. 

Cependant, tester un médicament issu de la recherche quantique devrait être simplifié. En effet, il sera envisageable de reproduire ces tests sur d’autres plateformes quantiques, évitant ainsi de recréer des expérimentations laborieuses en laboratoire. De plus, la précision accrue des simulations garantit une conception moléculaire optimisée, rendant ainsi la validation du médicament plus aisée et rapide. 

Les prochaines étapes pour l’industrie 

Les domaines chimique et pharmaceutique s’alignent déjà sur les avancées de l’informatique quantique. Devant une technologie en plein essor, comment se préparer à l’ère quantique ? 

La création d’une équipe dédiée à cette transition est stratégique. Elle surveillera les innovations quantiques, identifiera les outils clés et formera les collaborateurs sur cette mutation technologique. Elle explorera aussi les applications quantiques pertinentes pour l’organisation, en ciblant les algorithmes à transposer. Toutefois, malgré les performances des machines quantiques, les enjeux du transfert de données pourraient nuancer leurs bénéfices. 

Avec une expertise en quantique, les entreprises pourront choisir le matériel idéal pour leurs besoins. De plus, et vu l’innovation que l’informatique quantique représente, il est essentiel de comprendre comment breveter ces applications, pour préserver ainsi leur compétitivité. 

Cette technologie, en tant que catalyseur d’innovation, offre aux secteurs chimique et pharmaceutique des horizons novateurs. Elle dynamisera la concurrence, générera de nouveaux marchés et, en pharmaceutique, optimisera les traitements, améliorant la santé des patients globalement.
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Par Erik Garcell, Directeur Marketing Technique chez Classiq 

 

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