La complexité est l’ennemie de la sécurité. Voici pourquoi la consolidation est indispensable à la solidité des cyberdéfenses et pourquoi les entreprises ne peuvent plus attendre pour réduire leur cybercomplexité.
Le monde numérique est devenu un véritable champ de bataille. Les nouvelles avancées technologiques comme l’IA générative se déploient à une vitesse vertigineuse et les cyberacteurs ne demandent qu’à les exploiter à leur avantage. On assiste ainsi à une économie « à deux vitesses ». Les entreprises et les cybercriminels s’affrontent dans une course à celui qui saura le mieux s’en servir. Actuellement, la majorité des entreprises ne pensent pas être en mesure de répondre efficacement aux menaces sans l’IA. Les équipes de sécurité craignent de ne pas pouvoir détecter les brèches sans recourir à des outils basés sur l’IA. Fait critique, plus de la moitié des cyberattaques qui ont eu lieu au cours des 18 derniers mois ont exploité l’intelligence artificielle d’une manière ou d’une autre, que ce soit à travers la création automatisée de codes malveillants développés pour exploiter des vulnérabilités zero-day ou l’utilisation d’outils d’IA générative pour élaborer des techniques de phishing sophistiquées.
Dans cet environnement où les enjeux sont importants, toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, sont confrontées au même défi : protéger leurs actifs numériques contre un éventail de menaces à la fois variées et de plus en plus complexes. Des attaques de phishing aux menaces persistantes avancées (APT), le spectre croissant des cyber-risques met même sous pression les équipes de sécurité les mieux armées. Mais cette complexité ne se limite pas à la quantité des menaces, elle concerne aussi le réseau de technologies et de processus que les entreprises adoptent aujourd’hui pour essayer de préserver leur sécurité.
Les entreprises ne cessent d’assembler de nouveaux outils et services pour perfectionner leurs opérations de sécurité, mais à quel prix ? À première vue, ajouter de nouvelles capacités peut sembler une bonne chose, mais dans les faits, cette initiative risque de rajouter une complexité supplémentaire qui pourrait compromettre la défense de l’entreprise. La première approche, qui consiste à « superposer » plusieurs solutions de sécurité, conduit à une accumulation d’outils difficiles à intégrer, à gérer et à rentabiliser. Une telle démarche peut engendrer des lacunes dans les mécanismes de défense et exposer les entreprises à des attaques. Une entreprise de taille intermédiaire utilise en moyenne entre 50 et 60 outils de sécurité, et la moyenne des entreprises en utilise plus de 130. Un ensemble typique de technologies d’entreprise qui comprend les réseaux, le stockage, les serveurs, la virtualisation, la gestion et les applications, oblige les entreprises à se débattre avec 1,6 milliard de versions concernant 336 produits de 57 fabricants. Cette approche est certes nécessaire dans certains cas, mais en matière de sécurité, elle n’est pas tenable.
Aujourd’hui, il est de plus en plus nécessaire d’opter pour des approches rationalisées et cohérentes en matière de cybersécurité. Ce besoin de simplifier la cybersécurité n’est pas seulement une question pratique : c’est un impératif stratégique pour garantir des défenses robustes et réactives dans un paysage numérique en constante évolution.
Les pièges des environnements multifournisseurs
Il est courant de voir des environnements multifournisseurs lorsque les organisations adoptent une approche stratifiée traditionnelle de la cybersécurité. Dans ces environnements, les entreprises se retrouvent souvent à jongler avec toute une série d’outils de sécurité proposés par différents fournisseurs, chacun conçu pour traiter des aspects spécifiques. Cette approche peut sembler complète et utile de prime abord, mais elle aboutit malheureusement à une sécurité morcelée. Sans cette intégration transparente entre les différents systèmes, des zones d’ombre pourraient se former car chaque outil fonctionne dans son propre silo et ignore souvent le contexte général de la sécurité. Cette fragmentation ralentit l’efficacité de la détection et de la réponse aux incidents. Elle alourdit également le travail des équipes informatiques qui doivent gérer et recouper les données de plusieurs plates-formes.
La situation est laborieuse et peu tenable mais cette complexité de gestion de solutions de sécurité multiples peut avoir des répercussions directes sur la capacité d’une entreprise à identifier, à évaluer et à neutraliser rapidement les menaces immédiates. Lorsque les équipes de sécurité sont prises au piège et doivent se débattre dans un amalgame d’outils, chacun avec sa propre interface et son propre système d’alerte, c’est inévitable, le temps moyen de réponse (MTTR) ralentit. Or, ce décalage peut être fatal car il ouvre aux cyberattaquants une fenêtre d’opportunité pour exploiter les failles ou se dissimuler dans un réseau. Le défi consiste donc à trouver un équilibre entre un dispositif de sécurité complet et un dispositif suffisamment souple et « simple » pour permettre une gestion rapide et efficace des menaces.
La consolidation : une stratégie incontournable
Si les entreprises intègrent plusieurs fonctions de sécurité sur une plateforme unifiée, leur dispositif de sécurité sera plus cohérent et plus facile à gérer. Cette consolidation n’est pas qu’une question de confort. Elle encourage la création d’une défense plus solide puisque les données sont partagées et transmises de manière transparente entre les différentes couches de sécurité intégrées. Quand des outils de sécurité fonctionnent en synergie, ils offrent une vue détaillée du paysage des menaces en temps réel et des réseaux de l’entreprise. Ils permettent ainsi de détecter les menaces avec précision et d’y répondre de manière coordonnée. Ce type d’approche intégrée permet à la fois de simplifier la gestion des différents outils de sécurité et d’améliorer l’efficacité globale de la structure de cybersécurité.
Cette stratégie a déjà un impact concret sur les entreprises qui ont abandonné leur modèle de sécurité fragmenté au profit d’une sécurité consolidée. Elles constatent souvent une nette amélioration de leur capacité à détecter les menaces et à y répondre. La réduction du nombre de solutions de sécurité leur permet de minimiser la complexité et les conflits potentiels propres aux environnements multifournisseurs. Les équipes de sécurité disposent ainsi de moins d’outils mais mieux intégrés. Elles peuvent également consacrer moins de temps aux tâches de gestion de routine et se concentrer davantage sur les initiatives stratégiques, dont l’analyse des menaces, les tests de pénétration et d’autres mesures de défense proactives. La consolidation ne consiste donc pas seulement à simplifier l’environnement de la cybersécurité, mais bien à le rendre plus efficace et plus réactif pour répondre à l’évolution constante des cybermenaces.
Miser sur l’IA et sur l’automatisation pour une meilleure sécurité
Grâce à sa capacité à analyser de grandes quantités de données à une vitesses impressionnante, l’IA a transformé la façon d’identifier les menaces de sécurité et d’y répondre. Les systèmes pilotés par l’IA sont suffisamment agiles et précis pour permettre aux entreprises de garder une longueur d’avance sur les attaquants qui ne cessent de perfectionner leurs tactiques (parfois même avec l’IA). Ces systèmes peuvent détecter des schémas et des anomalies que les analystes humains pourraient ne pas voir et lancer des alertes en cas de menaces. L’automatisation va dans le même sens : elle permet de réagir rapidement en déclenchant des actions définies pour contenir et atténuer les menaces sans le besoin d’une surveillance humaine constante. Cette synergie entre l’IA et l’automatisation permet de détecter les menaces, d’y répondre plus rapidement et de libérer des ressources humaines précieuses pour les affecter à des tâches de sécurité plus délicates.
Les impacts de l’IA et de l’automatisation sur la cybersécurité sont évidents et variés. Les plateformes de veille sur les menaces pilotées par l’IA peuvent par exemple passer au crible les données de sécurité dans le monde entier pour identifier les menaces émergentes, à l’instar des nouvelles variantes de ransomware, avant qu’elles ne se généralisent. Pour ce qui est de la sécurité des réseaux, les algorithmes d’IA peuvent analyser les schémas de trafic pour détecter les signes avant-coureurs d’une violation de données, tels que des transferts anormaux de données sortantes, et déclencher immédiatement des contre-mesures. L’automatisation joue un rôle essentiel dans la réponse aux incidents. Les systèmes peuvent instantanément isoler les appareils compromis, révoquer les privilèges d’accès ou appliquer des correctifs de sécurité sur l’ensemble du réseau. En témoigne l’utilisation de l’IA dans les systèmes de sécurité des e-mails, où les modèles d’apprentissage automatique identifient et bloquent les tentatives de phishing que les filtres traditionnels risquent de ne pas voir. Ce type d’applications concrètes de l’IA et de l’automatisation montre à quel point la cybersécurité est passée d’une stratégie généralement réactive à une approche proactive et prédictive qui améliore considérablement la capacité d’une entreprise à anticiper les cybermenaces, à y répondre et à y remédier.
Dans un contexte où les cybermenaces évoluent en permanence, on ne saurait trop insister sur l’importance de simplifier et de consolider les stratégies de cybersécurité. Pour assurer la pérennité de ces stratégies, les organisations ne doivent pas se contenter de suivre le rythme des avancées technologiques mais opter plutôt pour une solution plus intégrée et plus rationnelle. Les organisations qui regroupent divers outils de sécurité dans un cadre unifié pourront éliminer les redondances et créer un système de défense plus efficace et plus performant. Ce faisant, elles trouveront un équilibre entre une sécurité robuste et une efficacité opérationnelle, tout en veillant à ce que l’infrastructure de cybersécurité soit à la fois solide et suffisamment flexible et évolutive pour répondre aux besoins de demain.
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Par Adrien Merveille, directeur technique Check Point France