Avec le recours accru à l’hébergement cloud, aux logiciels SaaS, aux échanges dématérialisés, la souveraineté numérique devient un enjeu central de la transformation digitale des organisations. Pour y parvenir, il est essentiel de faciliter l’accès à des solutions souveraines redonner plus de liberté aux entreprises françaises. À commencer par une suite logicielle souveraine…

Au début des années 2000, la notion de souveraineté s’entendait au sens le plus strict. Pour preuve, les DSI tenaient à visiter les infrastructures de leurs fournisseurs avant même de leur confier les données sensibles de leur entreprise.

Aujourd’hui, avec la domination des GAFAM, les serveurs se situent dans des datacenters parfois à l’étranger et soumis à des lois extra-territoriales. La notion de souveraineté a donc pris une autre dimension. Elle implique désormais qu’une organisation puisse exercer un contrôle complet et autonome sur les données, technologies, infrastructures et services numériques qui la concerne et assurer la pérennité et la maîtrise de son patrimoine numérique.

Les enjeux de la souveraineté numérique

En ce sens, la souveraineté numérique revêt deux enjeux importants. D’abord, celui de la maîtrise complète de ses données. En d’autres termes, pouvoir y accéder facilement, savoir où elles sont, s’assurer qu’aucun tiers n’y a accès (comme c’est le cas avec le Cloud Act pour les données stockées par les GAFAM), pouvoir les récupérer sans freins techniques ou financiers (réversibilité). Cela signifie aussi que les entreprises doivent s’assurer, a minima, d’héberger leurs données sur le territoire national, voire en Europe.

Un enjeu économique ensuite. En effet, une solution souveraine se révèle vertueuse sur ce plan. Elle permet de travailler avec un écosystème local, national ou européen. Ainsi, c’est l’économie de toute une région qui s’en trouve développée et favorisée. En ce sens, la souveraineté numérique contribue au maintien d’une souveraineté économique.

Dans le cas des entreprises ayant déployé des infrastructures réseau sur leur territoire, on peut ajouter un enjeu technologique. C’est le cas pour les FAI ou les hébergeurs. En choisissant des solutions souveraines issues de l’écosystème local pour construire leurs offres de services, ils optimisent le taux d’utilisation de leurs infrastructures, et donc leur rentabilité. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils « sourcent » des services — de messagerie par exemple — gérés par des fournisseurs étrangers.

Enfin, ces entreprises tiennent aujourd’hui à garder un minimum de compétences et de savoirs internes. Or, l’achat-revente de solutions externalisées et globales paupérise leurs compétences et entraîne une perte d’expertise. A contrario, le recours à des solutions souveraines et locales permet de maintenir leurs savoir-faire essentiels. Il limite ainsi la dépendance à des fournisseurs étrangers et la perte de libre arbitre.

Saas, collaboratif, messagerie : des solutions souveraines à tous les étages

Aujourd’hui, les entreprises prennent de plus en plus conscience que la souveraineté numérique est importante. Elles savent que les données doivent être protégées. Pour cela, elles ont besoin de savoir où celles-ci résident, de s’assurer de leur niveau de sécurisation, et, surtout, de détenir la clé des « portes d’accès » qui mènent à leurs données.

Ces questions se posent pour chacune des applications SaaS et pour chaque espace de partage d’information utilisé dans les organisations. Cela conduit les entreprises à auditer l’ensemble de leurs outils logiciels sous l’angle de la souveraineté.

La messagerie n’y échappe pas. Les organisations s’en servent en effet de plus en plus pour échanger des données sensibles. Ainsi, des contrats de travail, informations clients, produits et autres données importantes transitent via mail. De même, les envois de « unique code » par mail, montrent bien l’importance qu’a pris l’email dans l’identification multi-facteurs des utilisateurs et la gestion des accès. La messagerie doit donc aussi être protégée pour répondre à toutes les exigences de la souveraineté.

Bâtir une offre cloud souveraine

C’est pour cela qu’un projet comme CollabNext a vu le jour. L’idée est simple : mettre à disposition des entreprises une suite collaborative souveraine, que ce soit au niveau de la gestion des données ou des acteurs qui y participent. Cette solution, née de la volonté d’acteurs du numérique français, réunit les outils essentiels dont une entreprise a besoin : hébergement cloud, suite bureautique et digital workplace collaborative, messagerie, sécurisation des accès…

CollabNext a reçu un soutien financier significatif du gouvernement, ce qui témoigne d’une volonté politique : le gouvernement a pris conscience de l’importance des enjeux de souveraineté numérique.

Alors comment cette suite cloud souveraine a-t-elle été bâtie ? Tout d’abord, les données gérées par chacun des applicatifs doivent être hébergées en France, par des sociétés de droit français. Ensuite, la suite répond à des exigences de sécurité et de confidentialité pour le partage ou le stockage de données (SecNumCloud).

Enfin, pour être souveraine, l’offre doit être transparente envers ses clients. Concrètement, ces derniers doivent connaître les conditions de stockage comme les garanties qui leur sont offertes, par exemple en termes de réversibilité – s’ils veulent récupérer leurs données pour changer de prestataire. C’est aussi ça que propose le projet CollabNext, car la réversibilité garantit la souveraineté.

Renforcer la volonté politique

Une offre cloud souveraine est essentielle pour permettre à la France et, par extension, à l’Europe de proposer une alternative aux GAFAM, afin de garder un contrôle sur les (très convoitées) données des citoyens et des entreprises. Une initiative comme CollabNext facilite l’accès à ce type d’offres. Cependant, pour un vrai mouvement en faveur des solutions souveraines, la volonté politique doit encore se renforcer. Aujourd’hui, quelques annonces ont été faites, mais ne sont pas toujours suivies d’effets. Ainsi, à l’instar de ce que fait la Suisse en équipant ses administrations de solutions souveraines, l’État français et les collectivités territoriales devraient faire preuve d’exemplarité sans concession. Ce n’est pas encore suffisamment le cas.
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Par Philippe Gilbert, CEO Alinto

 

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