70 milliards de dollars de CA, 24 milliards de bénéfice net et une IA en plein essor… Microsoft aligne les succès, mais les investisseurs espéraient mieux ! Entre infrastructures sous pression et concurrence féroce, la firme va apparemment devoir faire encore plus pour les convaincre.
Microsoft vient de dévoiler ses performances pour le dernier trimestre 2024 qui correspond au second trimestre de son exercice fiscal 2025. Et le géant de Redmond affiche une fois de plus des chiffres en forte croissance : 69,6 milliards de CA trimestriel (en croissance de 12% par rapport à Q4 2023) et un bénéfice net trimestriel de plus de 24,1 milliards de dollars (en hausse de 10 %). Clairement, la firme démontre à nouveau à quel point sa stratégie, centrée sur le cloud et l’intelligence artificielle, continue de porter ses fruits.
Et pourtant… Les investisseurs sont insatisfaits et le titre a immédiatement perdu 5% ! Les effets combinés d’un résultat Azure en croissance de « seulement » 31% (les analystes tablaient sur au moins 32%) et de la vague de fébrilité des certitudes américaines après « l’affaire DeepSeek ».
C’est à se demander si les investisseurs ont la moindre idée de la maturité actuelle du marché du Cloud. Le résultat de Microsoft sur Azure devra certes être éclairé par ceux de Google et d’AWS attendus dans les prochains jours. Mais « 31% » n’apparaît pas comme une contre-performance. Satya Nadella, le PDG, a de son côté mis en lumière le rôle prépondérant de l’IA dans cette progression, évoquant des revenus issus de l’IA déjà estimés chez Microsoft à plus de 13 milliards de dollars annuels, en hausse de 175 % par rapport à l’exercice 2024. Alors oui, bien sûr, Microsoft va durant son année fiscale 2025 investir plus de 80 milliards de dollars dans ses datacenters Azure pour héberger les IA (de Microsoft, d’OpenAI mais aussi et surtout de toutes les entreprises clientes du groupe). La CFO du groupe, Amy Hood, a d’ailleurs expliqué dans une conférence téléphonique avec des analystes que « la demande IA sur Azure continue d’être supérieure à notre capacité disponible. Bien que nous nous attendions à encore être limités par notre capacité IA au troisième trimestre fiscal 2025, nous devrions être, d’ici la fin de l’exercice 2025, à peu près en phase avec la demande à court terme, compte tenu de nos importants investissements en capital. »
Microsoft vit dans un monde, Wall Street dans un autre, et le reste du monde ailleurs…
On comprend d’autant plus mal la réaction des actionnaires que le groupe, malgré ses massifs investissements IA continue d’afficher une robuste rentabilité. Avec un bénéfice opérationnel de 31,7 milliards de dollars, en hausse de 17 %, et un bénéfice par action de 3,23 dollars, Microsoft a les reins solides. En parallèle, la firme a distribué 9,7 milliards de dollars aux actionnaires, tout en maintenant son rythme d’investissements très élevé. Les dépenses d’exploitation ont évidemment augmenté de 5 %, principalement dues aux coûts liés au développement et à la maintenance des centres de données IA, mais pas de quoi mettre en péril le géant.
En détails par division :
La branche « Intelligent Cloud » qui combine Azure mais également tous les produits et services « serveurs » (comme Windows Server et SQL Server) a vu ses revenus croître de 19% pour un CA trimestriel global de 25,5 milliards de dollars.
La branche « Productivity and Business Processes », qui comprend notamment Microsoft 365, LinkedIn et Dynamics, a généré 29,4 milliards de dollars, soit une augmentation de 14 %. Le cœur de la suite bureautique et collaborative reste un moteur fort : Microsoft 365 pour les entreprises progresse de 16 %, tandis que la déclinaison grand public enregistre +8 % de croissance. LinkedIn suit la tendance avec +9 %, et la suite Dynamics, axée sur la gestion d’entreprise, grimpe de 15 %.
Enfin, le pôle « More Personal Computing » qui rassemble Windows 11, Xbox, la publicité sur le moteur de recherche Bing ou encore les appareils Surface a généré 14,7 milliards de dollars. Bien que certaines activités soient restées stables ou en légère hausse (Windows OEM : +4 %, Xbox Game Pass : +2 %, publicité et recherche : +21 %), le segment du jeu vidéo (hors le service Game Pass) continue d’être décevant avec un recul de 7 % sur le chiffre d’affaires global et surtout une chute marquée de 29 % du côté du matériel Xbox alors que ce trimestre correspond au trimestre de Noël et des cadeaux de fin d’année. On peut voir ça comme une grosse contre-performance, mais le hardware Xbox n’est plus fondamental dans le business « Xbox » donc « jeu vidéo » du groupe. Car, depuis le rachat d’Activision/Blizzard, la stratégie du groupe a changé. Et Microsoft s’est imposé en 2024 comme « le plus grand éditeur de jeu vidéo au monde ». Selon une étude Ampere, les joueurs ont dépensé 465 millions de dollars en jeux Microsoft en décembre sur PC, Xbox et PlayStation, contre 366 millions de dollars pour EA en deuxième position. Et 64 % des acheteurs de jeux Microsoft étaient des utilisateurs PlayStation, principalement grâce à Call of Duty: Black Ops 6. Ce jeu a atteint 38 millions d’utilisateurs actifs mensuels en novembre selon Ampere, succès qui n’a pas faibli en décembre.
Microsoft termine donc son deuxième trimestre fiscal 2025 sur de solides résultats, soutenus par la vitalité de ses divisions bureautiques et cloud. L’expansion dans l’IA nourrit dès aujourd’hui la croissance, au prix toutefois d’investissements colossaux et d’infrastructures sous tension. Les prochains mois seront néanmoins décisifs pour voir si l’entreprise parvient à maintenir ce rythme, à résoudre ses contraintes de capacités et à exploiter pleinement l’essor de l’IA pour alimenter sa prochaine phase de développement alors que Google a fait un « push » combatif en intégrant l’IA dans Google Workspace (sans abonnement supplémentaire) et que dans le même temps Microsoft a rendu son offre un peu plus illisible tout en augmentant significativement les tarifs de sa suite grand public.